Sunday, October 31, 2010

Les services de renseignements burundais et congolais désormais sous contrôle de la machine huilée de Kigali.

Il s’est tenu récemment à Bujumbura (Burundi) une réunion des services de renseignements des pays des Grands Lacs représentés par leurs chefs barbouzes à savoir le général Major Adolphe Nshimirimana, chef du SNR du Burundi, M. Emmanuel Ndahiro, secrétaire général du SNR et de Sécurité du Rwanda et M. Jean-Pierre Daruwezi, Administrateur général de l’Agence Nationale de Renseignements de la RD Congo. Cette rencontre n’a pas eu l’écho voulu sur la toile (les nombreux spécialistes politiques de la région n’ont pas percuté sur ce fait) et pourtant elle vient de marquer un tournant décisif dans le contrôle du renseignement de toute la région par la centrale rwandaise. Après l’infiltration autorisée des experts rwandais au sein des armées burundaise et congolaise, voilà que les services secrets - l’intelligence sécuritaire - des deux pays sont désormais sous la coupe des grandes oreilles de Kigali. Le voisin rwandais a compris que le renseignement n’a d’utilité que s’il est communiqué à ceux qui ont le droit de le recevoir et qui en ont besoin pour agir. Bien maitrisé, il permet d’anticiper les actions voulues grâce à plusieurs techniques dont la manipulation à la une dans notre région et, cela, dans les domaines autant militaires que socio-politiques et économiques.

Des signes précurseurs de reprise des guerres dans la région
La situation dans la région des Grands Lacs est actuellement très volatile et les services de renseignements des trois pays sont en alerte maximale soupçonnant que les ennemis se réorganisent chez les voisins. C’est la principale raison officielle qui a été à la base de cette réunion de Bujumbura qui s’est déroulée du 23/11 au 24/11 et à laquelle ont pris part le Général Major Adolphe Nshimirimana (Chef du SNR du Burundi), M. Emmanuel Ndahiro (SG du SNR du Rwanda) et M. Jean-Pierre Daruwezi (Administrateur général de l’Agence Nationale de Renseignements de la RDC). Ces responsables ont voulu souligner la nécessité de créer un cadre d’échange d’informations sécuritaires indispensable compte tenu de la présence des groupes armés opérant dans la région. Ainsi, des agents de liaison seront mis à contribution pour débusquer les différentes milices en activité dans les pays de la région. Voilà pour la forme…mais pour le fond, c’est tout autre chose pour les initiés des couloirs sombres.



En effet, la guerre peut à tout moment reprendre au Burundi depuis les élections générales de Juin 2010 qui ont entraîné la fuite du chef rebelle Agahton Rwansa. Les premières informations ont fait état de sa présence dans la région de Fizi-Baraka qu’il connaît fort bien car ses troupes y ont séjourné durant plusieurs années. Quelques temps après, il serait rentré clandestinement au Burundi pour rejoindre et remobiliser une partie des FNL (l’aile dure) cantonnés dans la forêt de la Kibira. Actuellement, les nouvelles disent que ce chef rebelle se déplace constamment entre l’Est de la RDC et la région de Bubanza à l’Ouest du Burundi. Il aurait opté pour des activités de sabotage dans un premier temps, ce qui pourrait expliquer l’insécurité dans le pays dont notamment les récents coups de feu nourris mêlés à des explosions de grenade durant la nuit de lundi dernier en commune urbaine de Gihosha (au nord de Bujumbura), surplombée par de hautes collines naguère passage des mouvements rebelles pour attaquer la capitale burundaise. Dans l’entre temps, il serait en train de réorganiser ses troupes pour la conquête du pouvoir par les armes. Agathon a même envoyé une lettre au SG des NU avec copie au gouvernement burundais pour prévenir que son pays est au bord du gouffre et que si rien n’est fait, il prendrait d’autres dispositions. Les autorités burundaises sont convaincues que le danger pourrait venir de la RD Congo si ce voisin ne sécurise pas ses frontières en nettoyant les poches de résistance dans la région trouble et incontrôlée de Fizi-Baraka.



Pour Kigali, il n’y a aucun doute sur une alliance FRF de Bisogo et des Fdlr. Les renseignements rwandais savent bien que leurs soldats ont toujours essuyé des échecs à chaque fois qu’ils ont voulu frapper les cibles dans les hauteurs de Mulenge. C’est la seule région du Kivu où les soldats rwandais n’ont pas pu s’imposer depuis 1998 lors du retournement de Laurent Kabila. Cela est dû à une maîtrise du terrain très accidenté (montagnes et forêts) par la coalition FRF et milices Bembe auxquelles se seraient ralliés les FNL/FDLR. Actuellement, les services rwandais sont aux aguets suite aux informations d’une alliance FRF/FDLR/Général Kayumba. Des infiltrations des soldats rwandais habillés en FARDC (avec accord de Kinshasa) ont été signalées dans les hauts plateaux de l’Itombwe et sont actuellement à la base des accrochages meurtriers avec les combattants FRF. Kigali estime que ses deux voisins devraient mener des opérations militaires chez eux en vue de démanteler les groupes rebelles qui s’organisent sur leurs territoires en vue d’attaquer le Rwanda. En effet, les récentes élections présidentielles au Rwanda et au Burundi ont provoqué des rivalités internes aux régimes en place, d'aucuns craignent de voir l'Est du Congo, où l’Etat peine à s’installer, se transformer en un sanctuaire d'oppositions armées contre ces pays voisins.



Les services ougandais absents de la rencontre de Bujumbura

Cette non participation des services ougandais inquiète et démontre à quel point Kigali et Kampala sont en froid actuellement, et pourtant, les responsables de la région devraient prendre en compte les tensions entourant les élections présidentielles en Ouganda en mars 2011 ainsi que le référendum redouté du Sud Soudan en janvier 2011 pouvant déborder nécessairement sur la RD Congo. Qu’à cela ne tienne, Kigali a ses urgences et priorités et c’est bien lui qui mène la barque actuellement : invitant qui il veut, selon ses intérêts immédiats.



D’après nos sources, les autorités rwandaises n’ont pas souhaité que l’Ouganda prenne part à cette première rencontre des responsables des services de renseignements car des suspicions planent sur une éventuelle aide qu’apporterait Kampala aux tentatives déstabilisatrices du Rwanda par Kayumba et sa bande. Et pourtant, Kinshasa aurait souhaité que les Ougandais soient de la partie compte tenue des dossiers LRA et Sud-Soudan qui risquent, à la longue, d’envenimer les relations entre ces deux pays. Un malentendu, dû à l’obstination rwandaise de ne considérer que ses propres intérêts, pourrait fragiliser l’axe Kinshasa-Kigali au détriment bien entendu du régime congolais au cas où Kampala continuerait à être mis à l’écart dans la recherche d’une solution sécuritaire globale et durable. Evidemment tout est fonction d’un dosage équilibré entre les relations RDC-Rwanda-Ouganda et c’est bien Kinshasa qui devrait savoir faire l’équilibriste avec ces deux voisins encombrants dont il faut faire avec. En a-t-il les capacités et les moyens ?



Kigali très nerveux pour le moment

Les services de sécurité rwandaise sont très inquiets car si les rebelles FNL reprennent la guerre au Burundi, il est certain que les combattants FDLR en profiteront pour s’infiltrer sur le sol rwandais par la forêt dense de Nyungwe qui se prolonge sur le Nord du Burundi. Ce serait assez compliqué pour l’armée rwandaise de mener au même moment des opérations sur deux fronts : dans le sud à la frontière burundaise (en pleine forêt) et dans Nord-Est à travers la chaîne volcanique frontalière avec la RD Congo où les affrontements ont commencé dans la région de Walikale entre les Fardc (en réalité ce sont les soldats rwandais infiltrés depuis un mois et portant les tenues Fardc) et les Fdlr alliés aux Pareco /Maï Maï/ex-CNDP non intégrés. Le responsable rwandais aurait convaincu ses homologues de l’opportunité d’opérations ponctuelles que devront mener les soldats RDF au Burundi et en RD Congo, cela, après avoir recueilli des informations fiables (auprès des services burundais et congolais devenus des sous-traitants) sur la localisation des ennemis ainsi que leur capacité de nuisance en hommes et matériels. C’est d’ailleurs l’une des raisons de la visite de James Kabarebe à Kinshasa au début de la semaine passée.
Pour maximiser l’efficacité des opérations militaires rwandaises en vue au Burundi et en RD Congo, les stratèges de Kigali ont optés pour des infiltrations des forces spéciales RDF chargées d’effectuer des actions militaires non conventionnelles. Les unités employées pour ces missions sont spécialement entrainées et équipées pour des missions périlleuses (sabotage, frappe des cibles répertoriés, etc.…), quitte aux armées nationales de ces pays d’assurer le "service après-vente" comme intermittents. Ainsi ces opérations spéciales engagent très peu d’effectifs, ce qui garantit leur discrétion, mais pourrait entrainer une confusion avec des actions clandestines violentes à haut risques pour les populations civiles. Les probables conséquences collatérales seront certainement mises sur le dos de ces armées nationales car les actions auront été menées par des soldats portant les tenues de ces armées.



Dans leur stratégie régionale, les Rwandais ont su accordé une place prépondérante au renseignement et ce n’est un fait du hasard qu’il prône une collaboration entre les services des trois pays en vue de mieux les manipuler. En effet, la culture du renseignement reste très présente chez l’élite rwandaise qui considère cette discipline comme indispensable à la conduite des affaires du pays, à la défense de ses intérêts et au développement de son influence dans la région. Les services de renseignements rwandais jouissent de la pleine reconnaissance des dirigeants du pays et se voient accorder les moyens nécessaires leur action.



Á M. Jean-Pierre Daruwezi, Administrateur général de l’Agence Nationale de Renseignements de la RD Congo, qui est passé sur RFI pour parler de la rencontre de Bujumbura, nous recommandons de lire "Les Pensées" d’André Frossard qui disait : « Les agents secrets se montrent avares de nouvelles, mais il faut dire que chez eux l’information s’appelle le renseignement, et que, du renseignement à l’espionnage, il n’y a qu’un faux pas. »



Source:Le Millénaire,
mise en ligne le vendre 29 octobre 2010

What Ugandans demand of the next president


As presidential candidates begin their first full week of campaigns, what do ordinary Ugandans want and demand of the man or woman who they will entrust with the duty of leading them for the next five years? Do the candidates’ plans and manifestos actually reflect the needs of the people they aspire to lead?
When the Uganda Governance Monitoring Platform (UGMP) compiled the expectations of more than 80,000 Ugandans who they consulted before producing a Citizen’s Manifesto, which was launched on October 15, they found that they were two-fold; those that develop them at individual level and those that are expected to lead to good governance at national level.
According to the manifesto, at individual level, Ugandans want a leader whose programme will help address the widespread poverty, uplift the agricultural sector, rebuild the health sector so that they can receive basic medical attention, and address the growing unemployment.
At governance level, Ugandans want their leader to restore presidential term limits, institute a moratorium on creation of new administrative units, institute an equitable sharing formula for power and resources and have an all-inclusive policy formulation framework. Ugandans also want their leader to tackle corruption, address environmental degradation and climate change, build sound infrastructure, re-orient and improve education to suit national needs, address the unsustainable growth rate and uplift civic consciousness of the nation.
Commenting on the demands by ordinary Ugandans, Kampala Assistant Bishop, Rev. Dr Zak Niringiye, who is also the Chairperson of the Africa Peer Revision Mechanism (APRM) National Governing Council, said; “The manifesto is a cry for better and accountable leadership. It is also a statement of hope that we must dispel the fear of tomorrow.”
The citizens manifesto is split into four sections; democracy.
Advocate democracy
Under democracy, the document calls for review of the constitution to address “unresolved historical questions” such as “governance and emerging issues like the need to restore presidential term limits and reconstitute the Electoral Commission”.
There is also a call for a halt on creation of new districts and establishment of a framework for national reconciliation and healing and work within an all-inclusive framework in terms of policy formulation.
According to the document, Ugandans generally believe that the ever expanding size of administration is a taking a toll on national resources, leading to a “consumer spending phenomenon” as opposed to a “production spending model,” most crucial for a developing economy. President Museveni has often defended the creation of new administrative units, saying they are meant for improving service delivery to the people.
“The districts being created are just in line with the colonial concept of a predator state that was designed to siphon resources from Africa to Europe and federalism is the solution. My colleagues especially in Interparty Cooperation (that fronted FDC’s Dr Kizza Besigye) think Museveni is the problem and are obsessed with dislodging him. I am saying we should work to change the system,” said Uganda Federal Alliance candidate, Betty Kamya, soon after her nomination on Monday.
Ordinary Ugandans also call for an end to “impunity” and demand, in the citizens’ manifesto that the government publishes a policy document on how to handle and take “decisive action against ministers implicated in corruption.” The same call was made for lower levels of government, with the document saying anti-corruption institutions need to be strengthened in addition to empowering and supporting a vibrant civil society.

Fight corruption
On corruption, the citizens’ manifesto is almost a blueprint for all the candidates. However, it will be a hard sell for President Museveni whose government is accused of failing to curb the vice and is seen as condoning, fomenting and institutionalising corruption.
The national feeling and cry, according to people’s manifesto, is for the state to reclaim control of key economic sectors including agriculture, energy and “decisively address” economic corruption for Ugandans to own their country and register fast development as opposed to growth amid extreme poverty.
On the foreign policy front, the citizens want maintenance and promotion of regional peace, protection of Uganda’s regional and international economic interests, our cultural values and safeguarding against unfair exploitation of national resources by foreign multinationals.
The citizens want Uganda to deliver on its international obligations under treaties, agreement and conventions, an area where Uganda is not currently in the best light. Uganda has severally been embarrassed with threats of withdrawal of voting rights for failure to even pay annual contributions to regional and international bodies.
Ugandans further want national development priorities as articulated in the national development plans followed and also clearly identify and agree on comparative advantages in view of regional integration.
In his assessment of the manifesto, Gulu Archbishop, Rev John Baptist Odama, said, “Ugandans have given a lot of power to their leaders. However, some leaders have used the power to citizens’ disadvantage with no one to question. The Citizens’ Manifesto brings in a new dimension on how to redress the situation.”
The Citizens’ manifesto, however, also looks beyond the February 2011 polls.
“Beyond the elections we are looking at sustained engagement of the leaders we shall have elected. We have prepared what we are calling the Movement for Political Accountability in Uganda (MOPA – U). Under this we have so many activities that will be geared at continuously evaluating the leaders at all levels,” explained UGMP Programme Coordinator, Arthur Larok.

Budget surgeries

“We are looking at budget surgeries, work plan assessments, scorecards at parliamentary and local government levels and many others. At the end of the five years we can do a final assessment and that we think will form a basis for an informed decision in the subsequent election. And the citizens’ manifesto process begins afresh,” said Mr Larok. Information and National Guidance Minister, Kabakumba Matsiko described the citizens’ manifesto as “a good document.”
Government working
“Government is already implementing many of the demands in the Citizens’ Manifesto. Poverty is already being addressed through various programmes like the Plan for Modernisation of Agriculture, Prosperity for All and now the revival of cooperatives. We have also invested heavily in economic infrastructure.
For corruption, we are strengthening agencies concerned with fighting corruption – the IGG, CID… recently we put in place the anti-corruption court. We shall continue doing more as the economy improves.” However, Prof. Joy Kwesiga, a long-serving educationist, said, “That the moral fibre of contemporary Ugandan society has crumbled is not in dispute. The values, accountability framework and development strategies that form the core of the Citizens Manifesto brings fresh hope, for herein are embedded the essentials for our regeneration.”

Author: Emmanuel Mulondo


Posted Sunday, October 31 2010 at 00:00

Affaire Armand Tungulu : Scénario macabre en préparation à Kinshasa

Des membres de «la famille Tungulu de Kinshasa», non autrement identifiés, ont été reçus jeudi 28 octobre à la Monusco. Selon des sources locales, une dame qui se présente comme la mère de la «fille aînée», âgée de 19 ans, de Armand Tungulu a été reçu à la Mission onusienne. La dame ferait l’objet des pressions et d’intimidations de la part de l’auditorat militaire de Kinshasa-Gombe afin de procéder à l’«identification» du corps de Armand Tungulu Mudiandambu. Les autorités judiciaires congolaises ont prévu cette cérémonie pour le mardi 2 novembre. La «famille kinoise» du défunt a sollicité la présence des fonctionnaires du département des droits de l’Homme de la Monusco pour «raison de sécurité». L’inhumation du corps pourrait avoir lieu après cette «présentation». Lieu : non-déterminé. Une certaine Rebecca Mbulu Ndombe, capitaine à l’auditorat militaire de la Gombe, serait au centre de cette mise en scène macabre.
Des farceurs
«La tournure tragi-comique que prend l’affaire Armand Tungulu vient confirmer que la République démocratique du Congo est dirigée par des farceurs. Des apprentyi-sorciers. J’attends avec curiosité d’entrer en contact avec Me Willy Bolio». C’est la déclaration faite à Congoindependant.com par l’avocat bruxellois, Jean-Claude Ndjakanyi, conseil de la veuve Tungulu, née Nzomina Maloka, après l’annonce de la plainte déposée lundi 25 octobre contre l’Etat congolais par cet avocat kinois. Ce nouveau coup de théâtre a mis à nu l’ambiance de «sauve-qui-peut» qui règne tant au niveau de la Présidence de la République que des «services». Habitués à se comporter en hors-la-loi, ces milieux étaient loin d’imaginer que ce «banal» crime d’Etat - un de plus - pouvait provoquer un tel raffut. Ne pouvant présenter le corps, «Joseph Kabila» et ses hommes de mains entendent recourir à un «dédommagement clandestin» de la «famille» pour étouffer le scandale. Le pouvoir engage ainsi un pari risqué.
Que s’est-il passé après l’arrestation de Tungulu? A quand remonte son décès ? Où se trouve la dépouille mortelle? Le défunt avait-il une fille naturelle âgée d’une vingtaine d’année à Kinshasa? Qu’en est-il de l’ordonnance rendue le 11 octobre par le Tribunal de première instance de Bruxelles? Qu’est ce qui se trame derrière la procédure judiciaire engagée à Kinshasa? Voilà six questions qui appellent quelques éclaircissements.
Les mensonges du PGR
Armand Tungulu Mudiandambu, 40 ans, est arrivé à Kinshasa le 15 septembre dernier. Le mercredi 29 septembre, il se trouvait sur l’avenue du 24 novembre. Il est 13 heures. Un convoi présidentiel est annoncé. «Armand» lance deux cailloux sur la Jeep conduite par «Joseph». Il oppose une vive résistance à deux éléments de la garde personnelle de celui-ci venus l’arrêter. Selon des témoins, il aurait même «cogné» un des gardes. Maîtrisé, Armand est tabassé à mort devant des passants avant d’être «jeté» tel un vulgaire sac de victuailles dans un des véhicules qui démarre en trombe. Destination : inconnue.
Selon des sources, une «réunion de crise» a été convoquée ce même mercredi à 19 heures à l’ANR (Agence nationale de renseignements). La rencontre était présidée par l’administrateur principal Kalev Mutond du «Département Intérieur» ou contre-espionnage. Le «lapideur» du «raïs» devait y être transféré pour être interrogé sur la motivation de ce geste «courageux et patriotique» pour les uns, «téméraire et suicidaire» pour les autres. Tungulu ne quittera pas sa cellule du Camp Tshatshi. Pourquoi? La raison est simple : Armand est décédé quelques heures après son arrestation et non le samedi 2 octobre comme le prétendait le communiqué publié par le directeur du cabinet du Procureur général de la République (PGR), le 1er Avocat général de la République Tasile Tasilo. Le PGR avait donc menti non seulement en ce qui concerne la date et la cause du décès. Tungulu a été «suicidé». Qui l’a exécuté ? Sur ordre de qui ? La justice internationale devrait tôt ou tard donner des réponses à ces questions. Les barbouzes de l’ANR se disent «clean» au motif qu’elles n’ont guère géré le dossier «dossier Tungulu».
Le capitaine Rebecca
Il n’y a pas de crime parfait. Nul ne sait où se trouve à ce jour la dépouille mortelle de Tungulu. Une chose paraît sûre : le corps a été mutilé. Torturé. Devenu «non-présentable», il aurait été incinéré. Certaines sources n’hésitent pas à soutenir que la dépouille aurait été immergée dans le fleuve Congo. Incapable de prouver le contraire, le ministre de la Communication et des médias Lambert Mende Omalanga a opté pour la fuite en avant. Ce membre du gouvernement n’a pu s’empêcher de faire le guignol en s’interrogeant le plus sérieusement du monde si «Philo» Nzomina Maloka était l’«épouse légitime du défunt». Un comble ! C’est à croire que l’Etat congolais a non seulement le droit de tuer un citoyen mais aussi de choisir le membre de sa famille entre les mains duquel il doit restituer le corps. Dans un communiqué daté 4 octobre, l’association de défense des droits de l’Homme «La Voix des Sans Voix» n’a pas manqué de fustiger «la persistance de la culture de la mort et la banalisation de la vie humaine par le pouvoir en place qui s’arroge le droit de vie et/ou de mort sur des individus en lieu et place de les protéger (…).» En agissant avec autant de cynisme, les autorités de Kinshasa – à travers Mende - ont commis une «violation flagrante» du «droit subjectif» de l’épouse et des enfants Tungulu. Il s’agit du droit «au respect de la vie privée et familiale». Cette considération a pesé de tout son poids dans la motivation de l’ordonnance rendue le 11 octobre par le Tribunal de première instance de Bruxelles
Selon des sources concordantes, Armand était effectivement le père d’une jeune fille âgée de 19 ans. Elle répondrait au nom de Steffi Mudiandambu. «Chaque mois, Armand envoyait de l’argent à sa mère «Alda» pour payer ses frais d’études, confie la source. La jeune fille est actuellement en 6ème bio-chimie à Madimba, au Bas-Congo». Toutefois, soutient une autre source, aucun acte officiel n’existe pour confirmer la filiation. Les juristes parlent dans ce cas de «possession d’état». Il semble que Armand avait demandé à «Alda» de lui donner un coup de fil ce mercredi 29 octobre à 14 heures. Elle tente un premier appel sans obtenir de réponse. Au début de la soirée, elle essaie à nouveau. C’est une inconnue qui lui répond : Qui êtes-vous par rapport au titulaire de ce numéro? «Je suis la mère de sa fille», répond Alda. L’inconnue lui dit de ne plus téléphoner à ce numéro parce que son titulaire «n’est plus». «Qui est au bout du fil ?», L’inconnue de répondre : «C’est sans importance». Selon des sources concordantes, l’appelante serait le capitaine Rebecca Mbulu Ndombi de l’auditorat militaire de Kinshasa-Gombe.
L’Etat congolais condamné
Dans la soirée du mercredi 29 octobre, l’arrestation de Tungulu Mudiandambu était connue aux quatre coins de la planète par la magie de l’Internet. Les milieux kabilistes croyaient jusque là que Tungulu était un «déséquilibré mental». Le journaliste Jean-Marie Kasamba, chargé de la «visibilité des Cinq chantiers», n’avait pas dit autre chose. Les tortionnaires de ce jeune bruxellois ont été stupéfaits d’apprendre que celui-ci était un activiste socio-politique bien connu à Bruxelles, son lieu de résidence. Le samedi 2 octobre, le PGR fait publier son communiqué annonçant la mort «par suicide» et l’ouverture d’une enquête afin de connaître les «circonstances exactes du décès». Le 4 et 9 octobre, la diaspora congolaise de Belgique organise deux manifestations à Bruxelles. Un seul mot d’ordre : «Donnez-nous le corps d’Armand». La veuve Tungulu tente sans grand succès de prendre langue avec l’ambassadeur de la RD Congo à Bruxelles. A Kinshasa, la famille biologique de Tungulu ne sait à quel saint se vouer encore moins à quelle porte frapper. Les téléphones familiaux sont mis sur écoute.
C’est l’obstination affichée par le gouvernement congolais à ne pas restituer la dépouille mortelle qui a amené le conseil de la veuve Tungulu à engager une procédure judiciaire. Le 11 octobre, le Tribunal de première instance de Bruxelles a condamné l’Etat congolais à «restituer» et à procéder au «rapatriement en Belgique» de la dépouille mortelle «endéans les 48 heures de la signification» de l’ordonnance «et ce sous peine d’une astreinte 25.000 € par jour de retard (…) ». Cette signification-commandement a déjà été notifiée au ministère congolais de la Justice qui représente l’Etat. Le 12 octobre, le PGR publie un nouveau communiqué invitant la «famille» à prendre contact avec… l’auditorat militaire de Kinshasa Gombe. Dans la capitale congolaise, des membres de la famille Tungulu continue à se plaindre du fait que «rien ne bouge». «Nous attendons que l’Etat congolais réagisse, confiait Me Ndjakanyi, mardi 26 octobre. La famille Tungulu attend toujours d’obtenir la restitution du corps.» Selon des sources diplomatiques congolaises, l’Etat congolais pourrait introduire un recours contre la décision rendue par la juridiction belge précitée. En attendant, le conseil de la veuve et enfants Tungulu paraît décidé à obtenir l’"exécution forcée" de ce jugement.
Scénario macabre
La «réaction» de Kinshasa est «tombée» mardi 26 octobre sous la forme d’une dépêche de l’AFP. Citant l’avocat kinois Willy Bolio, la dépêche indique que «La famille de Armand Tungulu, mort en prison à Kinshasa, a porté plainte lundi contre l’Etat congolais qu’elle juge «responsable» de sa mort, et réclamé une autopsie du corps par des experts internationaux». La «famille». C’est qui ? «Sa fille aînée, ses frères et soeurs ainsi que son oncle, tous résidant à Kinshasa, ont décidé de porter plainte auprès du parquet général contre l’Etat congolais pour sa responsabilité dans la mort de Tungulu». Qui a recruté l’avocat Willy Bolio? Pourquoi celui-ci s’est-il gardé de donner l’identité de ses clients? Qui paie ses honoraires ? «Joseph Kabila» et ses sicaires ont-il engagé le redoutable pari de monter une mise en scène pour clore ce dossier qui n’a pas encore fini d’éclabousser le sommet de l’Etat?
Dans une lettre datée 15 octobre dernier, l’ONG congolaise Adaddem-F (Association Nationale pour les Droits, la Défense des Migrants et de la Femme) écrit, sous la signature de Chantal Mundady Nsapu, au ministre congolais de la Justice lui demandant de faire cesser les «pressions et intimidations» exercées sur des membres de la famille Tungulu. Qui exerce ces pressions ? Quid des victimes ? «Monsieur le ministre, écrit cette association, le 5, 6, 7, 8 octobre dernier la mère de la fille aînée de l’infortuné Armand Tungulu n’a cessé de recevoir des coups de téléphone venant d’une certaine Rebecca, travaillant à l’auditorat militaire, garnison de la Gombe.» «Après enquête à notre niveau, cette personne s’appellerait Rebecca Mbulu Ndombe, militaire et capitaine de son état. Le 5 et 6 octobre 2010, elle a appelé cette dame par le numéro de téléphone suivant : 0997740379, et depuis quelques temps elle l’appelle par un numéro masqué.» Selon cette ONG, la fameuse «Rebecca» userait des «intimidations à répétition» en invitant la mère de Alda, laquelle est mariée, à «passer à l’auditorat militaire» afin «de retirer» la dépouille de Armand Tungulu. Et ce, «avec l’appui financier de l’Etat pour pouvoir organiser des funérailles.»
L’Adaddem de poursuivre : «Cette femme n’est pas légalement établie pour mener ce genre de démarches. La véritable femme d’Armand Tungulu, à qui ces services peuvent être proposés se trouve à Bruxelles. Selon toute logique, il suffirait de demander à l’ambassadeur de la RDCongo en Belgique pour prendre contact avec cette dernière et voir dans quelle mesure ceci pourrait être réalisable, au lieu de faire le choix d’exercer des pressions sur des personnes qui n’ont ni qualité ni droit.» «Pour votre gouverne Monsieur le ministre, la fille aînée du défunt (…) souffre terriblement de la disparition de son père. Les pressions et intimidations exercées sur sa pauvre maman ne font qu’aggraver la situation de cette jeune fille qui risqueraient d’empêcher cette dernière de poursuivre ses études.» Certains membres de la famille biologique de Armand Tungulu ont décidé de démarquer et de s’opposer à cette mise en scène dont le «maître de cérémonie» ne pourrait être que «Joseph Kabila» en personne. Cette fois, le «raïs» risque de se tromper énormément…
Author:Baudouin Amba Wetshi
Source:Congoindépendant 2003-2010, du 29 Octobre 2010

Tribalisme et nationalisme : mariage impossible ?

De violentes attaques ont été menées contre l’article qui passe en revue les occasions manquées de la nation congolaise dans son élan vers la démocratie, revisitant à l’occasion deux tentatives dans la bonne direction : l’approche de l’ABAKO en 1960 et celle de l’UDPS lors de sa création dans les années 80. Les deux approches ont soulevé une levée des boucliers dans la mesure où elles s’appuient sur le réel, nos différentes identités communautaires, pour construire l’unité du pays et gérer celui-ci de manière à ce qu’aucune communauté ne se sente exclue. Des commentateurs voient dans cette stratégie un levier des forces centrifuges voire une menace à l’existence même de la nation. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce commentaire se situe dans la droite ligne de la pensée coloniale qui avait pour ambition de créer un type nouveau d’homme en Afrique, en phase avec la modernité. A cet égard, les identités communautaires africaines (tribus, ethnies et régions) ont été ignorées par les différentes constitutions au nom de l’unité nationale et du développement. Non seulement elles ont survécu, mais en plus, elles sont instrumentalisées quand nécessaire et prospèrent en temps d’incertitudes. Les particularismes ethnolinguistiques ou géographiques bénéficient-ils d’un procès équitable quand ils sont méprisés par la politique officielle ? S’opposent-ils forcement à la cohésion nationale, au développement et à la modernité ? Est-il possible de conjurer leurs effets pervers dans la gestion de la res publica ?
Nous répondrons à ces questions en trois étapes. D’abord nous mettrons en lumière ce qui se cache derrière le mot tribu, ethnie ou région. Ensuite, nous remonterons à l’origine de son rejet dans les discours politiquement corrects. Enfin, nous verrons si la cohabitation est possible entre le tribalisme et le nationalisme. Le cas échéant, nous examinerons comment célébrer un mariage entre les deux… pour le meilleur.
Définition du tribalisme
« Le tribalisme est un comportement, une attitude positive ou négative qui crée, dans un milieu social donné, un réseau d’attractions et de répulsions entre les membres de deux ou plusieurs groupes composant ce milieu social. Les membres de chacun de ces groupes se disent liés par le sang, mais ils le sont beaucoup plus par l’idée qu’ils se font d’eux-mêmes par rapport aux autres » (Sylla, L., Tribalisme et Parti unique en Afrique noire, Abidjan, Université Nationale de la Côte d’Ivoire, 1977). Eclairé sous cette lumière, le tribalisme n’est pas un artifice quelconque. C’est « un sentiment naturel et irrépressible. Il est lié à la personnalité, à la véritable identité de l’Africain » (Oyowe, A., ‘‘Construire la démocratie sur le tribalisme’’, in Le Courrier, n° 128, 1991). Ou de l’homme tout court. Il « participe de la même essence que ces phénomènes, longtemps regardés avec admiration et respect, qu’on nomme patriotisme ou nationalisme. Entre le tribalisme, le patriotisme et le nationalisme, il y a une différence de degré (ou d’interprétation), mais pas de nature » (Sylla, L., op. cit).
Quand des individus de même tribu, patrie ou nation se retrouvent en dehors de leur milieu d’origine, il y va de la nature de l’homme que se tisse entre eux un réseau d’attractions. Ne dit-on pas : « Qui se ressemblent s’assemblent » ? Et quand ils sont confrontés à d’autres êtres humains, il va également de soi que se crée entre les uns et les autres des sentiments de rejet ou de répulsion, l’inconnu étant toujours enveloppé de mystère. Il s’agit là d’un phénomène universel et non propre aux sociétés africaines.
L’origine du mépris du tribalisme
Si le tribalisme se confond dans l’esprit des élites africaines avec sa forme pathologique, à savoir les répulsions et la violence qu’il engendre, c’est dû à la longue et douloureuse parenthèse de notre histoire, du XVè au XIXè siècle. Une parenthèse qui a amorcé et consommé la rupture de l’Afrique avec elle-même. En effet, « avec la traite des Noirs, la chasse à l’homme devint la règle, ou plus exactement l’absence de règles, c’est-à-dire l’anarchie » (Sylla, L., op. cit). « Pendant quatre siècles, l’Afrique ne connaîtra pas la paix, car pour avoir des esclaves on pillait et on détruisait les villages, ensuite on emmenait les captifs vers les ports où attendaient les bateaux des Européens » (Mendes, J., La révolution en Afrique. Problèmes et Perspectives, Paris, 1970). « Au lieu de l’activité productrice, l’occupation la plus lucrative devint la guerre, avec son cortège de destructions humaines et matérielles [...] C’est alors que l’insécurité permanente, les guerres et les razzias incessantes, génératrices de misère et de famine, devinrent des traits caractéristiques de l’Afrique noire, mais seulement alors » (Suret-Canale, J., L’Afrique noire : géographie, civilisations, histoire, Paris, Ed. Sociales, 1968).
Après avoir joué aux pyromanes, dressant les tribus les unes contre les autres, les envahisseurs européens se découvrirent une vocation de ‘‘civilisateurs’’. Pour mener à bien leur nouvelle mission, ils ont puisé, dans les incendies qu’ils avaient allumés pendant quatre siècles, des arguments pour démontrer non pas leur barbarie, mais celle des Africains. La longue anarchie que la traite avait engendrée sera combinée à la propagande coloniale. Celle-ci « avait masqué l’importance de l’ethnicité en tant que norme du comportement politique. De plus, des générations d’administrateurs et d’anthropologues avaient créé le stéréotype du Noir citadin, évolué et détribalisé. Il était entendu que ce nouvel Africain était totalement européanisé et coupé de son peuple » (Young, C., Introduction à la politique congolaise, Bruxelles, CRISP, 1968). Cette mystification a fait rimer tribalisme avec passéisme, barbarie, anarchie et chaos. Colonisées jusqu’à la moelle des os, les élites africaines continuent à considérer cette affabulation comme une parole d’évangile. Telle est l’origine du regard négatif que les Africains portent sur leurs identités communautaires, de la tribu à la région en passant par l’ethnie.
De la fidélité divisée du citoyen
Le tribalisme, l’ethnisme et le régionalisme ont toujours été brandis comme un épouvantail par les élites africaines, qui les accusent de faire de l’ombre au sentiment national ou d’empêcher l’éclosion de la conscience nationale. Aussi cherche-t-on à étouffer la conscience tribale, ethnique ou régionale non pas à travers des actes concrets, mais par des discours fleuves sur l’amour patriotique. Le problème qui se pose ici est celui de la fidélité divisée ou de la loyauté du citoyen vis-à-vis de son foyer culturel et de son pays territorial. Comme il arrive que la conscience communautaire pousse des mandataires de l’Etat à poser des actes discriminatoires en faveur des membres de leurs tribus, ethnies ou régions respectives, les Africains s’imaginent que le meilleur moyen de lutter contre ce travers est de renforcer la conscience nationale et de museler la conscience communautaire. Solution ou illusion?
La réalité traduite par les termes tribalisme, ethnicisme, régionalisme, communautarisme ou géopolitique n’est pas propre à l’Afrique. « Les idéologies d’autochtonie, les mouvements séparatistes, la recherche et l’affirmation d’identités collectives autres que celles liées à l’Etat-nation, bref les particularismes d’inspiration culturelle ou politique se retrouvent, avec une intensité variable, dans bien des régions et des Etats, de l’Amérique anglo-saxonne à la Chine et à l’Indochine, de la Russie soviétique à l’Amérique latine, du Proche-Orient à l’Europe. Et il n’est pas rare qu’ils y explosent de temps à autre en violentes révoltes » (Amselle, J-L. & M’bokolo, E., Au cœur de l’ethnie. Tribalisme et Etat en Afrique, Paris, La Découverte, 1985). Si ce phénomène déchire davantage l’Afrique que les autres coins de la planète, c’est parce que les élites africaines le vivent comme une maladie honteuse que de bruyants discours sur l’unité nationale doivent à tout prix dissimuler. Pourtant, partout au monde, ce qui installe la paix et la concorde entre citoyens, et garantit le dénominateur commun sans lequel l’idée même de société serait impossible, c’est-à-dire l’intérêt général, ce n’est pas le nationalisme ou l’amour de la patrie. C’est plutôt le pacte primordial sur lequel repose philosophiquement toute communauté humaine. En d’autres termes, l’existence de la loi et des mécanismes mis en place de manière à ce que personne ne soit au-dessus d’elle.
Modèle de cohabitation pacifique entre tribalisme et nationalisme
Le tribalisme peut cohabiter pacifiquement avec le nationalisme. Et la musique congolaise est le parfait exemple d’une telle cohabitation. Il existe deux types de musique au Congo : la musique traditionnelle, avec ses différentes expressions, et la musique moderne. Les deux types de musique ne sont pas figés. Loin de là. La musique traditionnelle trouve quelquefois son inspiration dans la musique moderne, et celle-ci puise abondamment dans celle-là. Déjà entre 1950 et 1960, quand la musique moderne, née dans les années 30, « se libère peu à peu des pesanteurs latino-américaines pour laisser libre cours à l’âme congolaise » (Manda, T., Terre de la chanson : la musique zaïroise hier et aujourd’hui, Louvain-la-Neuve, Duculot, 1996), « le répertoire de cette période comporte des essences culturelles de nos principales régions exprimées au travers des chansons des Bukasa, Grand Kallé (d’origine luba), Franco, Madiata (Bas-Zaïre), Wendo, Izeidi (Bandundu), Franck Lassan (Maniema), Jean-Bosco Mwenda, Lost Abelo (Katanga), Lucie Eyenga, Ebengo, Dewayon, Longomba (Equateur), etc. » (Manda, T., op.cit).
L’apport de la tribalité, de l’ethnicité ou de la régionalité dans la modernité reste d’actualité. Les danses et rythmes des Bakongo contribuent à la gloire de Nyoka Longo et de son orchestre Zaïko Langa-Langa. La flamboyante et sensuelle Tshala Mwana a bâti toute sa carrière sur le folklore des Luba-Kasaïens et leur célèbre danse ‘‘Mutuashi’’. Une richesse culturelle dans laquelle se ressourçaient constamment l’orchestre Empire Bakuba et sa vedette principale, Pépé Kallé. Papa Wemba a sorti la musique des Batetela du ghetto ethnique, au Sankuru dans le Kasaï Oriental, et leur danse ‘‘Nyeka-nyeka’’ est devenue un patrimoine national, exécutée avec autant d’aisance par tous les Congolais. Boketshu Ier et son orchestre Swede-Swede se sont révélés au public national à travers la musique des Mongo, dans la province de l’Equateur. Tabu Ley et Emeneya Kester doivent une bonne partie de leur succès au patrimoine musical des Bayansi, dans la province de Bandundu. Les mélodies et danses des tribus du Katanga ont obtenu leurs lettres de noblesse à travers le plus prestigieux groupe régional d’animation. Ces groupes rendaient hommage au président Mobutu lors de ses périples à l’intérieur du pays, là où le complexe du colonisé aurait voulu qu’on se satisfasse des majorettes qui, hélas, sont de retour avec la « démocratisation ». Les Bambala dans le Bandundu, qui ont bénéficié de l’apport d’un des pionniers de la musique moderne en la personne de Baudouin Mavula, ont sans doute le mieux réussi à populariser leur musique à Kinshasa, avec les danseurs-charmeurs de boa qui s’exhibaient sur les marchés de la capitale. Aussi leurs éléments culturels (langue, chansons, rythmes et danses) sont-ils exploités par une myriade de stars de la musique moderne, à l’instar des fondateurs de l’orchestre Wenge Musica qui furent propulsés au devant de la scène nationale par l’adaptation d’une chanson populaire des Bambala des années 60 : Mulolo (Le youyou).
Tel un fleuve qui s’enrichit de l’apport de ses différents affluents, grands et petits, la musique congolaise moderne et le nationalisme congolais ont intérêt à reconnaitre et à s’agenouiller respectivement devant les musiques tribales et le tribalisme qui ne peuvent que les enrichir. Sur le plan politique, on notera que les effets pervers du tribalisme sont de même nature que ceux du nationalisme, sentiment ou idéologie que les élites congolaises ont toujours idéalisée dans leurs discours. Les Européens, qui ont appris à leurs dépends jusqu’où l’homme pouvait descendre dans la barbarie au nom du nationalisme, ont joué sur le droit international pour conjurer ses effets meurtriers. C’est dire que c’est la loi et la loi seule peut mettre les Africains à l’abri des discriminations basées sur l’identitaire.
Conclusion
Dans le procès que dirigeants et intellectuels africains font au tribalisme et au régionalisme, il y a confusion entre ces deux termes et le favoritisme. Ce ne sont pas les sentiments d’appartenance à une tribu, ethnie ou région qui menacent la paix civile en Afrique. C’est plutôt le favoritisme qui, en monopolisant le pouvoir national entre des membres d’une parentèle isolée, crée les conditions favorables à la frustration, à l’agitation et à la violence. La nuance est de taille. La relation que le tribalisme doit entretenir avec le nationalisme est de même nature que celle entre la musique traditionnelle, dans ses différentes expressions, et notre musique moderne. L’une n’exclue pas l’autre. Au contraire. Elles cohabitent pacifiquement dans un intérêt mutuel et surtout dans l’intérêt de la musique moderne qui puise abondamment dans la musique traditionnelle.
Trouver un équilibre entre la fidélité divisée du citoyen vis-à-vis de son groupe culturel fondamental (tribu, ethnie ou région) et vis-à-vis de son Etat, tel est le défi capital auquel doit faire face tout Etat plurinational, en cherchant à réconcilier, en ce qui concerne les Etats africains, l’univers de nos ancêtres (nos sensibilités ethnico-régionales majeures) et celui de notre contemporanéité (l’Etat postcolonial). A travers leur agitation dans le domaine politique, les tribus, les ethnies et les régions adressent un et un seul message aux élites intellectuelles et politiques, à savoir qu’elles existent et qu’elles tiennent à leur représentativité réelle au sommet des Etats. Reste à inventer des formules institutionnelles susceptibles de décoder ce massage de l’Afrique profonde.
AUthor:Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo
Source:Congoindépendant 2003-2010, du  30 Octobre 2010

Friday, October 29, 2010

Les gouvernants actuels du Congo feraient quand même quelque chose !

Dans nos débats sur Internet et dans certains cafés, il arrive que nous entendions des compatriotes dire : «Les gouvernants actuels font quand même quelque chose». Mais quand vous leur posez la question d’expliquer «ce quelque chose», souvent les réponses restent évasives et vagues. La réfection des routes est le cas le plus cité. Les fontaines de Kinshasa aussi.

Souvent, situer cette réfection des routes dans un programme de gouvernement est un exercice très difficile. Que signifie réparer les routes dans un pays où le gouvernement n’est soumis à aucun contrôle budgétaire au niveau du Parlement? Que signifie réparer les routes dans un Etat-manqué et sous tutelle, où les paisibles citoyens peuvent être abattus à leurs postes de travail? Depuis qu’il y a cette réfection des routes, combien de nos provinces sont reliées les unes aux autres de façon à faciliter les échanges entre nous et le désenclavement de nos villages par exemple?

Souvent, une vue d’ensemble de ce qu’on appelle chez nous «les cinq chantiers» manquent. Bientôt cinq ans après la première législature, un bilan sur le nombre d’emplois et les hôpitaux créés, les écoles réhabilitées, les barrages hydro-électriques mis sur pied, des tronçons de pistes de desserte agricole réparés est catastrophique. La sécurité des personnes et de leurs biens n’a été assurée que pour une infime minorité de compatriotes et autres étrangers appartenant au réseau transnational de prédation. La justice a été sacrifiée sur l’autel d’une paix des cimetières. L’année 2010 proclamée « année du social » va bientôt toucher à sa fin sans que les questions sociales majeures liées au panier de la ménagère, au salaire décent, aux soins de santé convenables aient trouvé un début de réponse. Une étude menée récemment par les Universités de Kinshasa et de Gembloux a conclu que 44 millions de Congolais souffrent de malnutrition.

Face à tous ces faits que signifie «les gouvernants actuels font quelque chose»?

Revenons aux conclusions tirées par l’étude susmentionnée et communiquée au cours d’une conférence organisée par la faculté d’agronomie de Gembloux.
«Selon la FAO (agence de l’Onu pour l’alimentation et l’agriculture), jusqu’à 44 millions de Congolais (sur un total de 55 millions) souffrent de malnutrition ou sous-nutrition. Que le Congo est obligé d’importer pour 18 millions de dollars par jour, alors que son PIB/jour ne dépasse pas 14 millions de dollars et qu’il est donc dépendant de l’aide et de l’endettement. Que la part de l’agriculture dans le budget national 2010 est de 0,69 % ("c’est bien moins que ce que font les autres pays africains", a souligné le professeur Eric Tollens, de la KULeuven. "Si le Congo n’investit pas plus, cela n’ira jamais"). Que l’administration congolaise est "faible et prédatrice" vis-à-vis du paysan, les routes généralement inexistantes, l’électricité rarement disponible, les rendements agricoles "de niveau sahélien en raison de l’absence d’intrants (engrais, insecticides, etc.), de l’utilisation de variétés dégénérées (faute d’apports extérieurs régénérants) et de techniques de culture ancestrales" peu performantes, tels la houe, la machette, les brûlis Pourtant, le potentiel est "incomparable", la population "dynamique et robuste" et les "ressources abondantes", a souligné Patrick Houben qui s’occupe du programme de sécurité alimentaire de l’Union européenne à Kinshasa. » (M.-F. CROS, Le Congo, le plus affamé du monde, dans La Libre Belgique du 25 octobre 2010)

A quoi serait dû cet état des choses ? Relisons encore cet article. « Parmi les nombreuses interventions destinées à présenter le travail de Gembloux sur le Congo, souvent en association avec l’université de Kinshasa, écrit M.-F. Cros, plusieurs touchaient à l’alimentation. Il en ressort que la faim dans ce pays résulte essentiellement de la mauvaise gouvernance, et il y a eu plusieurs appels à un changement urgent de la politique de Kinshasa en la matière. » (Nous soulignons) Une administration faible et prédatrice, une mauvaise gouvernance sont, entre autres, les vers dans fruit de notre pays.

Et quand certains d’entre nous affirment que « les gouvernants actuels font quelque chose », à quoi cela rime-t-il ?

A notre avis, les débats sur nos fora et dans certains de nos cafés semblent être déconnectés de la recherche scientifique, des choses d’une intelligence avertie et du traitement sérieux des questions essentielles de notre pays.

Internet, bien qu’étant un bon instrument de communication, nous rendrait paresseux. Lire, s’instruire, se former, apprendre et désapprendre seraient devenus des exercices trop négligés.

Et pourtant, avec l’éclosion des blogs d’une certaine presse alternative, Internet pouvait être mis à profit pour rompre les chaînes de différentes formes d’obscurantisme, d’ignorance et de fanatisme ! Du moins au sein de la minorité ayant accès à cette machine moderne ! (Il est un fait que n’importe qui peut avoir accès à Internet sans une base suffisante de culture qui permette un débat d’idées fondé sur autre chose que la fanatisme et le m’as-tuvisme.)

Il est urgent que nos échanges soient fondés sur une base de culture générale suffisante et des essais suivis de déconstruction des discours et théories convenus.

Quand certains d’entre nous disent que « les gouvernants actuels font quelque chose », ils sont loin de s’imaginer que certains d’entre eux sont aux affaires depuis bientôt dix ans, l’équivalent de deux mandats électoraux.

Et pendant deux mandats, Lula le Brésilien a appliqué le programme fome zero (faim zéro) avec des résultats applaudis aux quatre coins du monde. L’un de ses secrets : un passé de syndicaliste et d’un résistant contre les forces de la mort. Dans son programme de gouvernement, il avait compris que la faim est une arme de destruction massive. Et qu’il fallait travailler à l’apaisement de toutes faims habitant le cœur de l’homme : faim de nourriture, de savoir, de santé, de travail, de vie familiale, de liberté, de dignité, etc. « Destiné à briser l’une après l’autre les structures d’oppression, le Programa fome zero doit créer, pensait Lula, les conditions matérielles de la libération du corps et de l’esprit des hommes. L’homme libéré décidera librement de l’usage de sa liberté. La responsabilité individuelle (et communautaire) est au cœur de ce programme. La victime devient acteur. Le pauvre est l’artisan de sa propre libération. » (J. ZIGLER, L’empire de la honte, Paris, Fayard, 2005, p.215)

Perdre de vue ce qui se fait autour de nous et nous contenter de nous auto-féliciter en marge de toute approche critique (positive ou négative) de ce que produisent nos gouvernants actuels nous semble être une voie qui ne mène nulle part. Ce que nous donnons l’impression d’oublier est « qu’une mystérieuse dialectique existe entre des personnes singulières et le peuple, entre certaines volontés subjectives et la conscience collective. Dans certaines situations conjoncturelles, cette dialectique peut infléchir le cours des évènements. » (Ibidem, p.192)

Avec un peu d’humilité, nous devrions reconnaître que nous avons encore besoin que de véritables acteurs-créateurs d’un autre Congo, capables d’impulser des changements structurels porteurs de vie pour nos populations. En avons-nous parmi les gouvernants actuels ? Peut-être l’un ou l’autre. Mais il participe d’un système tellement vicieux et vicié qu’il faut briser. Dépendant de l’aide et de l’endettement extérieur, ce système est pris en otage par les IFI. Il génère beaucoup de misère anthropologique, l’enrichissement sans cause d’une minorité prédatrice et est nocif pour les générations présentes et futures. 44 millions de compatriotes souffrant de malnutrition et/ou de sous-nutrition, c’est combien de vies gâchées pour demain ? Malgré ces faits, on nous dit que « les gouvernants actuels font quand même quelque chose ». Kozanga koyeba, ezali liwa ya solo !
Author:J.-P. Mbelu
Source: Congoindépendant 2003-2010, du 27.10.10du  

Thursday, October 28, 2010

Les amis des Nazis Tutsi au Parlement Européen

Le 30 septembre 2010, Louis Michel, parlementaire européen et ministre d’Etat belge, lançait à Bruxelles le cercle dénommé ‘‘Les amis du Rwanda’’ au Parlement européen, avec l’ambition de faire de ce cercle ‘‘le premier interlocuteur du Rwanda" devant ‘‘supporter, valoriser et promouvoir les intérêts du Rwanda à travers les différentes institutions de l’Union Européenne’’ tout en se chargeant ‘‘d’informer sur les progrès engrangés par le Rwanda dans les différents domaines : le développent économique, les avancées sociales et la démocratie’’. L’initiative intervenait au moment où le mot génocide était utilisé dans un rapport de l’ONU pour qualifier les massacres commis par l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) lors de l’offensive des ‘‘rebelles’’ de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL) entre 1996 et 1997.

Pour comprendre le projet de Louis Michel, qui, à la veille des élections congolaises de 2006, saluait en ‘‘Joseph Kabila’’ l’espoir pour le Congo, aujourd’hui devenu le cauchemar des Congolais, il convient de se rappeler comment se positionne ce démocrate belge face aux violations des droits de l’homme et à l’impunité à travers le monde. Qu’on se souvienne de la décision prise le 25 novembre 1998 par les magistrats de la Chambre des Lords en Angleterre contre l’ex-dictateur chilien Augusto Pinochet. Partout en Occident, elle fut saluée comme une avancée pour la justice internationale, la carapace diplomatique protégeant les criminels politiques de haut niveau étant considérée comme une insulte pour la dignité humaine. Evoquant l’attitude de la Belgique dans ce cas, Louis Michel, alors ministre belge des Affaires étrangères, affirmait qu’elle présentait «l’énorme avantage de forcer un débat au Chili sur la
nature et le contexte de la démocratisation de ce pays. Car, la réconciliation nationale ne peut pas consacrer l’impunité de ceux qui furent les tortionnaires. Politiquement et moralement, les démocrates chiliens sont obligés de se poser la question de la légitimité de la politique de l’oubli» (Le Matin, 15 mars 2000).

En créant le cercle ‘‘Les amis du Rwanda’’ au Parlement européen, Louis Michel se lance politiquement et moralement dans la promotion du pouvoir rwandais actuel. Dessinons le portrait de ce régime, comparons ses exploits dans les domaines du respect des droits de l’homme et de la justice à ceux du régime Pinochet, et voyons si ‘‘Les amis du Rwanda’’ est un cercle qui vaut la peine de naître et d’être respecté et soutenu au sein d’une institution aussi prestigieuse et donneuse de leçons de démocratie, de justice et de respect des droits de l’homme au reste de l’humanité. Comme Pinochet, l’actuel maître du Rwanda, Paul Kagamé, a accédé au pouvoir par un coup d’éclat. De la même manière qu’ils avaient applaudi le coup d’Etat de Pinochet, les puissances occidentales font la part trop belle au cliché de ‘‘Kagamé investi du rôle de libérateur’’. Mais la vérité n’y trouve pas son compte et
oblige à regarder le régime rwandais tel qu’il est.

Le régime Kagamé est l’émanation du Front Patriotique Rwandais (FPR), mouvement rebelle parti d’Ouganda et accusé par plusieurs organisations de défense des droits de l’homme d’avoir commis de nombreux massacres à caractère génocidaire tout au long de la rébellion. Arrivé dans la capitale Kigali à la faveur des accords de paix d’Arusha, le FPR fut accusé d’avoir abattu l’avion présidentiel le 6 avril 1994. Un attentat sans précédent en Afrique dans lequel périrent le président Juvénal Habyarimana et son homologue burundais, Cyprien Ntariamira. Mouvement de la minorité tutsi (14% de la population contre 85% d’Hutu), le FPR n’avait aucun intérêt à aller aux élections, objectif final de la période de transition qui se profilait à l’horizon. En attentant à la vie du président hutu, il avait déclenché le génocide de 500.000 Tutsi et Hutu modérés auquel il s’est toujours félicité d’avoir mis fin.

Par la suite, le FPR, métamorphosé en Armée Patriotique Rwandaise (APR), fut accusé de plusieurs grands massacres à titre de vengeance : les massacres de plus de 6.000 personnes à Kibeho, dans le sud du Rwanda en 1994, attestés par un rapport des Nations Unies ; les massacres de 50.000 Hutu, dans le sud-est du Rwanda toujours en 1994, dénoncés dans le rapport du consultant américain Robert Gersony ; et les massacres de 200.000 réfugiés hutu, entre 1996 et 1997 au Congo, rapportés par le juge chilien Roberto Garreton. Toujours au Congo, la dictature de Kagamé a commis bien d’autres violations flagrantes du droit international et des droits de l’homme : agression caractérisée contre ce pays, pillage systématique de ses ressources naturelles et surtout holocauste oublié de plus ou moins 6.000.000 de Congolais, la plus grande tragédie humaine depuis la Deuxième Guerre mondiale. En plus du long chapelet de crimes égrenés ci-dessus,
Kagamé impose aux Rwandais, Hutu et Tutsi confondus, un régime de terreur où la délation est institutionnalisée en système judiciaire. Il mène une politique criminelle systématique de se débarrasser de ses opposants qui sont loin des ses griffes. Alors qu’il affirme construire une nation dans laquelle il n’y aurait ni Hutu ni Tutsi, des membres de son ethnie minoritaire monopolisent les postes du sommet de l’Etat à la base de la pyramide sociale. Quant au droit des Rwandais d’élire librement leurs dirigeants, il est verrouillé par un système électoral dont le secret de l’isoloir n’est qu’apparent, car en y laissant ses empreintes digitales, une exclusivité mondiale, tout Rwandais sait que voter contre Kagamé serait signer son arrêt de mort.

Le régime militaire d’Augusto Pinochet, qui renversa par un coup d’État le gouvernement du président démocratiquement élu Salvador Allende avec la ‘‘bénédiction’’ des Etats-Unis, gouverna le Chili pendant 17 ans (1973-1990). Ce régime est connu à travers le monde entier pour ses multiples atteintes aux droits de l’homme : environ 3.000 morts et ‘‘disparus’’, 27.000 personnes torturées et plusieurs centaines de milliers d’exilés. On comprend dès lors que Louis Michel hausse le ton contre la politique de l’oubli. N’est-il pas un digne représentant de ce pays qui en 1990 avait suspendu la coopération avec le Zaïre de Mobutu où les troupes d’élite de la Division spéciale présidentielle avaient massacré un étudiant à l’Université de Lubumbashi ? N’est-il pas issu de ce grand pays dont les parlementaires avaient eu le courage de voter une loi dite de compétence universelle pour châtier les responsables
des crimes contre l’humanité à travers le monde ? Quant au régime militaire de Paul Kagamé, qui renversa par un acte terroriste le gouvernement du dictateur modéré Juvénal Habyarimana également avec la ‘‘bénédiction’’ des Etats-Unis, il gouverne le Rwanda depuis 16 ans (1994-2010) et, avec des scores électoraux staliniens, il a toutes les chances de battre le record de longévité mondiale. Face à Paul Kagamé, le plus grand criminel de l’histoire encore en vie (dixit le professeur belge Filip Reyntjens), force est de constater qu’Augusto Pinochet fut un enfant de chœur. Louis Michel souffrirait-il tout d’un coup d’amnésie en soutenant ouvertement un régime mille et une fois plus criminel que celui de Pinochet ?

Non, Louis Michel est un homme qui respire la bonne santé si bien répandue dans le monde occidental. A travers son soutien au régime criminel de Paul Kagamé, il démontre simplement combien l’Occident est un accident dans l’histoire de l’humanité, tellement qu’il a l’habitude de se disqualifier comme donneur de leçons à travers son éternelle indignation sélective. A la lumière du portrait du Rwanda actuel, il serait plus judicieux pour Louis Michel de baptiser son cercle ‘‘Les amis des Nazis Tutsi’’ au Parlement européen. En effet, en servant de relais au discours des autorités de Kigali sur tous les massacres et autres violations du droit international et des droits de l’homme dont elles sont accusées, le cercle ‘‘Les amis du Rwanda’’ fait preuve d’un parti pris pro-Kagamé flagrant, qui est incompatible avec la mission et la déontologie de toute association sérieuse de promotion des droits de la personne et
du développement. Quand on lit les objectifs de ce cercle, on comprend que ses membres européens s’égarent volontairement dans une vision manichéenne des causes et des effets du conflit rwandais, qu’ils exonèrent la rébellion tutsi du FPR de sa grande part de responsabilité dans l’engrenage implacable qui transforma le Rwanda et l’est du Congo en annexe de l’enfer, qu’ils minimisent ou excusent les crimes commis par l’APR dans toute la région des Grands Lacs, et qu’ils offrent, comble d’immoralité, une prime aux tueurs, agresseurs et pilleurs tutsi gravitant autour de Kagamé.

Le cercle ‘‘Les amis du Rwanda’’ au Parlement européen est un véritable scandale qu’un démocrate occidental ne peut se permettre que s’agissant de l’Afrique, continent faible qu’on peut piétiner en toute impunité. On peut même se demander si le véritable objectif de ce cercle n’est pas de créer un écran de fumée appelé développement derrière lequel on cacherait les crimes des Nazis tutsi au pouvoir à Kigali. Mais pendant combien de temps ? ‘‘Les amis du Rwanda’’, qui sont en réalité les ennemis de l’écrasante majorité des peuples de la région des Grands Lacs (y compris les masses laborieuses tutsi), souffrent d’une terrible myopie politique. Pendant des décennies, les pouvoirs coloniaux avaient caché leurs crimes derrière la mission civilisatrice et la modernité. L’un de ces pouvoirs, la Belgique, se vantait même d’avoir mis au point une colonisation modèle dont les habitants étaient heureux
pour l’éternité. Pourtant, la jouissance des avancées technologiques et scientifiques de la civilisation européenne par les Africains et bien d’autres peuples colonisés n’avait pas réussi à éclipser à leurs yeux les valeurs de décence et d’honneur, de liberté et de justice, de respect et de dignité. Les démocraties occidentales étant instrumentalisées depuis des décennies par les lobbies de tout genre, ‘‘Les amis du Rwanda’’ réussiront sans aucun doute dans leur mission consistant à soigner l’image d’un régime criminel auprès du Parlement européen et de l’opinion publique internationale. Mais ils auront beau multiplier les jumelages, mettre en œuvre d’événements culturels rwandais à Bruxelles et en Europe, instaurer une journée Rwanda au Parlement européen et organiser des workshops thématiques sur le Rwanda et des visites au Rwanda, ce n’est pas cela qui ramènera une paix durable dans ce pays et
dans toute la région des Grands Lacs.

En protégeant et en offrant des primes aux Nazis tutsi au pouvoir à Kigali, ‘‘Les amis du Rwanda’’, de même que bon nombre de puissances occidentales dont les Etats-Unis, la Grande Bretagne, la France de Sarkozy et la Belgique, allument le feu dans les cœurs des Hutu et des Congolais. Ce feu qui couve aujourd’hui embrasera de nouveau la région tôt ou tard. Et devant l’ouragan de l’Histoire, les Nazis tutsi tomberont même s’ils auront réussi à transformer le Rwanda en un pays de cocagne, avec l’aide occidentale. ‘‘Les amis du Rwanda’’ devraient donc forcer un débat au sein de leurs pays respectifs sur la nature du développement de ce petit pays. Car, rien ne peut consacrer l’impunité de ceux qui furent les agresseurs, pilleurs et tueurs et qui continuent de l’être, même si leur ethnie fut victime d’un génocide fortement médiatisé en Occident pour des raisons racistes et stratégiques que l’on connait.
Comme l’avait si bien dit le grand démocrate et ministre belge des Affaires étrangères Louis Michel au sujet du cas Pinochet, ‘‘politiquement et moralement, [Les amis du Rwanda] sont obligés de se poser la question de la légitimité de la politique de l’oubli’’.
Author:Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo
Source:Congoindépendant 2003-2010, du 26 Octobre 2010

In search of The Correct Line: Nominations close peacefully


It all ended quickly. Uganda’s third general election since the promulgation of the 1995 Constitution has a busy signal outside the window. The 2+2 race is on. The first 2 represents President Yoweri Museveni and his erstwhile challenger Dr Kizza Besigye meeting for the third time in 2011. The second two represent new faces from Uganda’s oldest parties, Norbert Mao for the Democratic Party and Olara
Otunnu from the Uganda Peoples’ Congress.
Not to say that each of these groups has some splinter form running as well. The 1996 and 2001 Campaign Museveni Task Force chair Jaberi Bidandi Ssali is running on his own with UPM’s 1980 symbol. So is Ms. Beti Namisango Kamya, formerly FDC envoy with her new outfit, UFA. DP not to be left behind has Samwiri Lubega, a former UK DP official, completing the mini-league of the candidates.
In terms of issues: candidates will scream themselves hoarse on what they intend to accomplish, refer whoever is interested to their manifestos, which very few people read. Mr Museveni seems to be running on a platform to end corruption - 20 years after promising a fundamental change in this direction by creating the office of Ombudsman- the IGG. Today corruption has a plethora of agencies dedicated to its cause: The Office of Auditor General, an invigorated PAC in Parliament, the IGG, the Anti-Corruption Court, and Minister for Ethics and Integrity.
In fact, Mr Museveni sometimes acts as his own institution refereeing the parade so to speak. Procurement of public goods in Uganda is a 14-step process, which when all the bottlenecks are added, can easily add to more than 20 steps. Just like chits from ministers during the 1980s were important to distribute essential commodities, mastering the procurement process is a task that has remained impossible even for the government itself.
Outside corruption: a tired song, candidate Museveni is working very “hard” to please all sorts of voters. For the first time, voters born after 1980 are a majority of the electorate and you may critique his music skills; the “youthful” President Museveni earning his bread is far more imaginative than the skulls and the spicy language he used to describe his opponents in the past elections. The numbers from YouTube may soon be in recording a very successful hit from the 67-year-old former warrior.
Col. Kizza Besigye is banking on his physical presence and personality to push voters to the “correct line” an analogy that only he can take on Museveni and assume the levers of power. FDC of today like maturing organisations has had to undergo an internal metamorphosis throwing off challengers and pretenders to the throne; Ms Kamya now finds herself in her own party.
Dr Besigye seems to have muted the biggest criticism of Museveni- overstay in power that his own opening speech chose to recycle the federalism a governance issue rather than the most important political issue in Uganda after 2011- who takes over or what will the rules be for replacing Museveni. Should this high stakes game fail, he runs the risk of soiling the two-term argument for a long time; if he wins marginally or if he loses relegating the fundamental issue of governance- federalism for a long time.
Many influential personalities in Buganda including ex-Katikkiro Joseph M. Ssemogerere have hitched their wagons on to this train and many have horror stories to tell. Mengo for its part, has never told the total story about the 2005 Constitutional talks debacle for which we have a Third Term to thank.
DP and UPC have a much easier job. Expectations are much lower and will be easier to exceed. Olara Otunnu - fresh from being pushed out of IPC- IPC’s de-facto running-mate position first used to play UPC off of DP was eventually offered to Ssuubi. UPC’s return will be measured by how it recovers from total internal hemorrhage of its ranks of elected officials that have reduced its parliamentary strength from 10 to six

For UPC to succeed, it must create some form of firewall in areas that are now all very competitive - Teso, Lango and West Nile: This is far from the lofty welcome the intelligentsia extended to Mr Otunnu last year when he returned home from 25 years in exile.
DP’s Mao rounds the 2+2 matrix. DP birthing pains are shifting leftward; probably left of UPC, NRM and FDC. Given the rotten state of Uganda’s public affairs, it is not clear Ugandans will want another round of 100 parastatals to suck more blood from the long suffering taxpayers; as if the 99 statutory bodies and agencies that replaced the old parastatals mostly dominated by friends and relatives of the powerful have not done enough harm. If Mao can wriggle himself out of this, he could be the Change and generation Next candidate. Ugandans in the past two days felt good about themselves from the party scenes that covered Uganda’s potholes with human beings for a day. Kiboko squad got a good break!
Mr Ssemogerere, an attorney and social entrepreneur, practices law in New York
 
Author:  Karoli Ssemogerere  (email the author @kssemoge@gmail.com)
Source: Daily Monitor, Posted Thursday, October 28 2010 at 00:00

Wednesday, October 27, 2010

Publication names Museveni among worst dictators


Kampala
 
Writing in the influential Foreign Policy magazine, Ghanian-born American Prof. George Ayitteh, listed 40 presidents, among them President Museveni, as the world’s “worst of the worst dictators”.
On Tuesday, the first day of nominations for presidential candidates, the article published in the June/August edition, became part of the 2011 election politics. Makindye East MP Michael Mabikke, current chair of the Inter-Party Cooperation and leader of the opposition Social Democratic Party, stirred the crowd at Nakivubo War Memorial Stadium by reading out this list.
The large crowd surged forward as Mr Mabikke reached Venezuela’s Hugo Chavez at number 17, and then roared as he declared: “At number nineteen, number nineteen is President Museveni.” The stage had been set for Forum for Democratic Change leader, Kizza Besigye.

Everyone’s responsibility
Dr Besigye said: “Some people have been saying you have lost twice what makes you think you can defeat Museveni this time? Like honourable Mabikke told you, pushing a dictator from power is not a responsibility of one person.” “It is a responsibility of all of us.”
Presidential Press Secretary Tamale Mirundi yesterday criticised the lumping of Mr Museveni together with the likes of Zimbabwe’s Robert Mugabe, Cameroon’s Paul Biya and his Rwandan counterpart Paul Kagame as well as Egypt’s Hosni Mubarak.
In Uganda, he said, regularly conducted elections; a vibrant, free media and functional Parliament as well as an independent Judiciary are hallmarks of democratic governance for which Mr Museveni deserves praise. “Museveni is a property of a revolutionary party called NRM,” Mr Tamale said. “As long as NRM needs him as the most able to handle the challenges at hand, they will pick him.”
Prof. Ayitteh, named by the Foreign Policy magazine in 2008 as one of the Top 100 public intellectuals globally, said in his article that he ranked the presidents based on “ignoble qualities of perfidy, cultural betrayal, and economic devastation.” “After leading a rebel insurgency that took over Uganda in 1986, Museveni declared: No African head of state should be in power for more than 10 years.”
Still here
“But 24 years later, he is still here, winning one coconut election after another in which other political parties are technically legal but a political rally of more than a handful of people is not.” But Mr Tamale said Prof. Ayitteh, president of the Free Africa Foundation in Washington, is no intellectual because he is not working for America’s National Space Agency and has no medicine discovery to his name.

Source: Daily Monitor, Posted Wednesday, October 27 2010 at 00:00
Author: Tabu Butagira & Gerald Bareebe  (email the author)

Tuesday, October 26, 2010

Affaire Zoe Kabila et réponse à un mauvais procès

L’«affaire Zoe Kabila » qui avait commencé lorsque les membres de la garde républicaine, chargés d’assurer la sécurité du frère du chef de l’Etat, s’en étaient pris mardi dernier à des agents de police, qui réglaient la circulation à la hauteur du rond point Socimat, s’est terminée par la mise aux arrêts des militaires et l’ouverture d’une enquête. Quant aux policiers, ils récupèrent des coups et blessures et, d’après les médecins, leur état s’améliore.

La conclusion judiciaire qui sera donnée à cette affaire suffira-t-elle à dissiper le malaise ?

Beaucoup de questions restent posées à Kinshasa : pourquoi le frère du chef de l’Etat, qui n’occupe pas de position officielle, est il considéré et traité comme une personnalité importante ? Pourquoi la garde républicaine, sorte de corps d’élite affecté à la sécurité du président et des institutions, peut elle se permettre de rosser d’importance des agents de police, dont le seul tort était d’avoir tenté de maîtriser la circulation sur le boulevard du 30 juin ? Pourquoi les véhicules officiels, qui traversent la ville à toute vitesse, doivent ils obliger automobilistes et piétons à se ranger en hâte sur les bas côtés, au risque d’être bousculés sinon pire encore ?
Tout cela fait mauvais effet, rappelle les heures sombres du mobutisme, où les Hiboux de sinistre mémoire et les sbires de la DSP (division spéciale présidentielle) n’hésitaient pas à terroriser les opposants et agissaient comme si les lois de la république ne s’adressaient pas à eux.

Tout cela nous ramène aussi à l’affaire Tungulu, cet opposant venu de Bruxelles, qui lança ou des cailloux sur le véhicule conduit par le chef de l’Etat et fut retrouvé ensuite « suicidé » dans sa cellule du camp Tshatshi, où il avait été emmené manu militari par la garde républicaine. Depuis lors, la famille, qui réside à Bruxelles, réclame en vain le corps de Tungulu et l’opposition, qui a manifesté samedi à Bruxelles, fait de lui un martyr.

Dans la première relation que nous avions donnée de ces faits malheureux, nous avions mis en doute la version du suicide, en soulignant à quel point il était invraisemblable que dans une prison congolaise un détenu se serve de son oreiller pour se donner la mort. Tout simplement parce que draps et oreillers sont des luxes inconnus là bas. C’est ce que nous appelions une « mort non suspecte », sa version officielle n’étant pas crédible.

Mais surtout, dans un bref commentaire, nous avions esquissé une analyse politique de l’évènement, soulignant que l’échauffement des esprits démontrait que la campagne électorale était ouverte, et qu’elle s’accompagnerait probablement de provocations, destinées à pousser à la faute les forces de sécurité.

L’enquête doit encore établir si Armand Tungulu avait agi sous le coup d’une impulsion spontanée, ou dans une volonté de provocation. Mais ce qui est certain, avions nous relevé « c’est que les soldats de la garde républicaine sont nerveux et répondent brutalement à la moindre provocation » Une appréciation qui vient encore d’être confirmée par l’affaire des policiers du rond point Socimat.

Au moment de la mort d’Armand Tungulu, après avoir répercuté l’opinion de membres de la diaspora congolaise proches du disparu, nous avions ajouté, dans notre commentaire, que le régime risquait de suivre le « modèle rwandais » qui consiste à tenter de développer le pays, mais aussi « se montrer intolérant face à la contestation et ne pas craindre de tuer, plus pour l’exemple et la dissuasion que par goût de la répression.»

A moins de ne pas maîtriser le français, ou d’être de mauvaise foi au point de confondre une analyse critique avec un souhait ou une incitation au meurtre, ( !) on ne pouvait comprendre cette phrase que d’une seule manière. Face à la contestation ou la provocation, le régime Kabila risque, dans les temps qui vont précéder les élections, de mener une double politique : mettre l’accent sur les réalisations en termes de développement (les cinq chantiers) mais en même temps, mener une politique répressive face à l’opposition, afin de faire taire ceux qui seraient considérés comme des ennemis du régime. Une répression qui pourrait aller jusqu’à la violence et au meurtre…

Comment interpréter ces lignes autrement que comme une inquiétude face à des risques de dérive et de recours à la violence ? Lorsque des esprits malveillants donnent à ces considérations une interprétation exactement opposée et créent un « buzz » sur Internet, il s’agît, pour le moins, d’une violence intellectuelle…Elle indique qu’une certaine opposition congolaise, ne reculera, elle non plus, devant aucun moyen lorsqu’il s’agira, entre autres, de tenter de discréditer les journalistes indépendants, afin de les intimider, de les dissuader de faire usage de leur liberté d’opinion et de leur faculté de jugement.
Author: Colette Breackman, In blogs.lesoir.be du 25.10.2010
Source: Congoindépendant 2003-2010, du 26 Octobre 2010

La réponse-virulente-du président Kagame au rapport de l’ONU

Vous venez d’être réélu avec 93% des votes pour un deuxième mandat de sept ans. Quel est votre principal motif de satisfaction à l’issue du premier mandat, et quel est votre objectif premier pour les années à venir ?

Au cours des sept dernières années, la vie des Rwandais ordinaires a été considérablement transformée, les succès obtenus nous donnent confiance pour l’avenir. Nous voulons qu’en 2020 le Rwanda cesse d’appartenir à la catégorie des pays pauvres pour devenir un pays émergent.
Le premier point qui me réjouit, c’est que la stabilité, la sécurité ont été rétablies. Après une histoire aussi tragique, les Rwandais ont recommencé à vivre, à travailler ensemble, à avancer, plus même que nous ne pouvions l’espérer. Cette coexistence pacifique est la fondation de notre stabilité et nous voulons la consolider.
En outre, les gens aussi expriment leur confiance dans l’avenir ; il est bon d’entendre que les plus pauvres d’entre les pauvres vous disent qu’ils ont de l’espoir car ils ont pu faire un pas en avant, réussir certains de leurs défis. Nous avons déjà remporté de grands succès en matière de santé, d’éducation, de sécurité alimentaire, et nous voulons consolider ces gains, multiplier les investissements, entre autres dans les infrastructures.
Bien sûr, il reste beaucoup à faire, les gens sont toujours pauvres et rencontrent de grands problèmes liés à cela mais même les plus pauvres vous disent qu’ils ont fait des pas en avant, que chaque année leur apporte quelque chose de neuf.
Cela en soi même, c’est déjà un pas en avant, au départ d’uns situation qui était désespérée, nous avons restauré l’espoir…

Qu’est ce qui vous a particulièrement irrité dans le rapport publié par la Commission de l’ONU pour les droits de l’homme ? La relation des faits qui se sont passés au Congo, ou l’usage du terme génocide ?

Il faudrait plutôt demander « qui » m’a mis en colère…Ce rapport manque d’honnêteté, il est tronqué et il révèle les intentions malveillantes de ses auteurs ; il est influencé par certaines organisations de défense des droits de l’homme, comme Human Rights Watch, par des groupes qui ont de mauvaises intentions à notre égard… Attention, parmi ces organisations, beaucoup sont correctes, mais d’autres ont été créées pour servir leurs propres intérêts, ou pour servir des visées politiques. Il s’est créé une sorte d’industrie qui prospère sur la souffrance des populations et qui n’apporte rien aux gens, ni aide matérielle, ni réconciliation, qui ne met pas fin aux tueries, aux viols…Ce rapport n’est pas neuf, il recycle de vieilles rumeurs, répète des accusations déjà formulées auparavant, ce sont toujours les mêmes déchets…Tout au long des seize dernières années, j’ai eu affaire à ces groupes ou ces individus, je les connais… Aujourd’hui ils se congratulent, non pas parce qu’ils ont fait quelque chose d’utile, mais parce qu’ils ont blessé le Rwanda. Ne me demandez pas pourquoi ils se comportent ainsi, je l’ignore…
Mais c’est au nom des victimes que ces organisations s’expriment…
C’est ce qu’elles disent, mais ces gens ne savent même pas qui sont les victimes, ils ne les connaissent pas. En réalité, ils sont du côté de ceux qui ont commis les crimes, les perpétrateurs… C’est un monde auquel nous commençons à être habitué, c’est ainsi…

Pourquoi avez vous dit que ce rapport représente une menace pour la sécurité régionale ?

Parce que cela ne fait aucun doute…Telle est d’ailleurs l’intention des auteurs du rapport. Au cours des dernières années, nous avons tenté d’établir des contacts avec nos homologues, nos frères et sœurs dans d’autres pays, au Congo entre autres. Nous avons essayé de résoudre ensemble certains problèmes ; j’ai le sentiment que ceux qui sont à la base de ce rapport essaient de torpiller nos efforts. J’ignore pourquoi. Alors que Rwandais et Congolais, qui souhaitent la paix, sont satisfaits de l’amélioration des relations entre leurs pays, voilà ces gens qui, parlant en leur nom, risquent de tout saboter…Si vous suivez l’histoire d’Umoja Wetu, (ndlr. l’opération conjointe menée au Kivu en 2009 contre les rebelles hutus) vous constatez que les politiciens et les organisations non gouvernementales critiquaient cette opération. Mais lorsqu’elle a eu lieu, les Congolais eux-mêmes en étaient très satisfaits, car ils savent discerner ce qui est dans leur intérêt. Ce rapport a été publié dans le but d’empoisonner l’atmosphère, de ternir les relations entre le président Kabila et moi, de créer des divisions entre nous, et cela alors que la situation sur le terrain est encore instable. Ces gens veulent ils créer le chaos dans la région ? Jeter de l’huile sur le feu, alors que la paix demeure fragile…
Il y a eu des contacts entre les leaders de la région, afin de répondre ensemble à ce rapport ; nous voulons empêcher ce rapport d’atteindre son objectif réel, qui est de prolonger l’instabilité, le chaos dans la région…

Gardez vous le contact avec Kinshasa afin que la situation reste sous contrôle ?

Entre nous rien n’a changé, la relation reste bonne. Tous, nous réalisons l’importance du bien commun, de la paix, de la sécurité, de la stabilité, nous voulons le développement…La région soutient et comprend les efforts que nous menons pour travailler ensemble, pour tenter de résoudre nos problèmes. Et cela d’autant plus que les racines de ces problèmes ne sont pas si profondes…
Nous voulons que la région continue à progresser, il ne faudrait pas que des évènements qui se sont produits voici dix ans viennent paralyser nos efforts… La publication de ce rapport confirme certains de mes soupçons : je me demande si certains ne souhaitent pas que l’Afrique se développe, qu’elle aille de l’avant…C’est comme s’il y avait deux mondes : l’un au Nord, qui continue à aider l’autre, qui se sent bien dans ce rôle, et l’autre, qui se maintient dans le chaos, la souffrance, l’incompréhension. Je veux briser ce cycle.
Alors que le président soudanais Omar el Bechir fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, pourquoi souhaitez vous mobiliser l’Union africaine à son sujet ?
Qu’il s’agisse de la justice internationale ou de tout autre sujet, l’Union africaine doit avoir une voix, l’Afrique doit pouvoir s’exprimer. Tout d’abord parce qu’elle en a les capacités, les ressources, l’intelligence ; elle doit avoir la possibilité de rechercher et de formuler ses propres solutions.
Il est certain que le chaos en Somalie ou ailleurs en Afrique affecte le reste du monde. C’est pourquoi la communauté internationale doit donner à nos pays, et au Rwanda en particulier les moyens qui manquent encore afin que nous puissions fournir les troupes qui contribueront au maintien de la paix, ces troupes doivent être soutenues. Mais nous devons faire plus, pour qu’à la fin nous puissions prévenir les conflits, puis les régler. Mais pour réussir cela, nous les Africains devons être unis.
Les Européens se posent aujourd’hui des questions : mais que font les Chinois en Afrique ? Ils feraient mieux de se demander ce que eux, ils ont réalisé au cours des 50 dernières années ? En quoi l’Afrique a-t-elle bénéficié de ses contacts avec l’Europe ? Les Chinois apportent quelque chose de différent… Au moins, depuis qu’ils sont là, il y a plus de compétition, des alternatives existent…Pourquoi l’Afrique devrait-elle se contenter de voir les autres exploiter ses ressources et se disputer entre eux ? Nous devons pouvoir définir nous mêmes les termes de la négociation. Parfois je me demande s’il n’a pas été assigné à l’Afrique la vocation de rester un lieu dont d’autres exploitent les richesses, où ils exercent leur compassion, un continent qui ne peut pas faire de choix par lui-même…L’Afrique doit pouvoir s’exprimer par elle-même…
Pourquoi, après avoir menacé de les retirer, avez vous finalement laissé vos 3.300 Casques bleus au Darfour ?
Après la parution du rapport, j’ai songé à retirer nos troupes, engagées pour essayer d’apporter la paix au Soudan. Si elles sont accusées de génocide, comment peut-on alors les envoyer au Soudan ? Ma première réaction était de dire « puisque vous nous traitez de manière aussi injuste, nous ferions mieux de nous retirer… » Ensuite, il y a eu des discussions (ndlr. Ban Ki Moon, le secrétaire général de l’ONU s’est rendu à Kigali) et nous avons constaté qu’en fait personne n’accordait de crédibilité à ce rapport…

Que pensez vous de l’arrestation de Callixte Mbarushimana, qui depuis Paris dirigeait les FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) ?

Ce que je me demande, c’est pourquoi il a fallu tant de temps pour l’arrêter…Il est vrai que sur le terrain, au Congo, les FDLR sont devenus plus agressifs. Et cela en dépit de la présence des Nations unies, qui dépensent des millions chaque année…
Ce problème remonte à tant d’années…En réalité, les opérations militaires que nous avions entamé avec l’armée congolaise auraient du continuer. Elles ont été critiquées, nous avons arrêté, mais au bout du compte, les viols continuent. Bien sûr, au cours de ces opérations, des gens allaient mourir, mais à la fin, le problème allait finir par être réglé.
Par la suite, on a fait du bruit, placardé des affiches disant « stop au viol » mais au bout du compte, il y a eu plus de violence encore. Je pense qu’au lieu de dénoncer les conséquences, il faut traiter la cause du problème…

Revenons au Rwanda : pourquoi le général Kayumba Nyamwasa et le général Patrick Karegeya ont-ils fait défection ?

Je ne veux pas gaspiller mon temps à parler de cela. Vous n’avez qu’à demander aux gens dans la rue si cela les préoccupe…
Dans un processus comme le nôtre, où il s’agît de construire notre pays, il y a toujours des gens qui ne comprennent pas… Kayumba et Karegeya n’interfèrent pas dans le futur de ce pays, ils ne signifient rien…
Moi aussi, j’ai entendu que ces hommes recrutaient des combattants au Nord Kivu, il y a des rapports convergents sur ce sujet. Aussi contradictoire que cela puisse paraître, ces généraux ont même noué des liens avec les rebelles hutus et pris des contacts en Europe.
Leur but ? Tenter de déstabiliser le président Kabila, le Congo et le Rwanda, de détruire les bonnes relations entre les deux pays. Je peux dire que ces dernières n’en seront pas affectées, que notre pays n’en souffrira pas. Ils ont choisi la mauvaise période : le Rwanda est plus fort aujourd’hui qu’il ne l’était hier. Tenter quelque chose contre nous, c’est suicidaire, car la population est de notre côté… Mauvais timing, mauvaise stratégie, mauvaise action aussi, ils n’ont aucune chance. Importance zero…

Pourquoi l’opposante Victoire Ingabire, qui voulait se présenter à l’élection présidentielle, a-t-elle été arrêtée ?

Les faits sont connus depuis longtemps, déjà démontrés devant les tribunaux : elle exprime l’idéologie du génocide, elle a eu des contacts avec les FDLR…Il y a longtemps qu’elle aurait du comparaître et désormais, elle va devoir répondre de ses responsabilités. A mes yeux, lorsque l’on collabore avec des groupes génocidaires, qu’on leur donne de l’argent, que l’on s’associe à eux, cette seule charge devrait suffire. Nous avons des preuves, des témoins. Comment pouvez vous frayer avec des génocidaires et ensuite venir ici ?
La même chose s’est produite avec Erlinder, ce professeur américain qui avait été arrêté à Kigali. Je crois qu’il s’agissait de nous tester, voir si nous allions tolérer une politique négationniste, l’expression de l’idéologie du génocide. Nous nous attendions, et nous avons maintenu notre ligne, point final. Même s’il s’agît d’un professeur américain… Nous ne laisserons pas à d’autres le soin de défendre nos droits.

A ce sujet là, et aussi au sujet du Congo, vous êtes vivement critiqué dans la presse internationale…

Bien sûr, nous sommes très critiqués dans le monde des médias, parfois de manière très offensive. Tout se passe parfois comme si les droits des Rwandais étaient subordonnés à ceux des Congolais… Le monde s’indigne des viols et des tueries qui ont lieu au Congo, mais ces crimes n’ont pas plus de poids que s’ils se s’étaient passés au Rwanda…Les problèmes du Congo sont plus vieux que moi-même. Le génocide au Rwanda n’a pas explosé en une nuit, et au Congo aussi, les problèmes ont des racines très anciennes…
Ce qui importe, c’est de faire les bonnes analyses : si le monde se soucie tellement du Congo, pourquoi ne pas soutenir ce que nous essayons de construire dans la région ?

Quelles solutions envisagez vous au niveau régional ?.

Nous nous réunissons avec les leaders de la région, dont les Congolais, nous encourageons la communauté économique des pays des Grands Lacs, qui réunit le Congo, le Rwanda et le Burundi, nous y travaillons sur des questions socio économiques qui sont susceptibles d’améliorer la vie des gens dans les trois pays. Au delà des contacts entre ministres ou responsables de la sécurité, nous voulons aussi développer la coopération économique, entreprendre des projets communs, dans les domaines de l’énergie, de l’électricité…

Quel rôle voyez-vous pour le Rwanda dans la région ?

Nous sommes très conscients du fait que notre ressource principale, c’est notre population. C’est pourquoi nous voulons investir dans les capacités, la connaissance, l’organisation. Améliorer la gouvernance, renforcer les institutions, devenir plus compétitifs. Investir dans l’éducation, la santé, les infrastructures, la technologie, en plus de servir nos propres intérêts, ce sera notre contribution au développement de la région.
En outre, je veux combattre la corruption, même si la tendance est d’acquérir des bénéfices au détriment des autres. Combattre la corruption, cela peut amener des gens à fuir le pays en invoquant des motifs politiques…Mais si on laisse la corruption s‘enraciner, les conséquences seront pires encore. Le pire, c’est l’impunité, car à ce moment la corruption tue votre pays. Si je suis aussi décidé, aussi ferme, c’est parce que je veux que la lutte contre la corruption prenne racine dans la culture du Rwanda. Je veux que cela continue même après moi, car les gens verront les bénéfices qu’ils en retirent.
Lorsque des ministres sont arrêtés, les gens ordinaires se disent : « nous avons des leaders qui nous défendent, qui se soucient de nos intérêts. » Ils comprennent, ils souhaitent qu’il y ait davantage de gens comme moi. Lorsque les administrés voient que leurs dirigeants détournent l’argent qui devrait aller dans l’éducation, la santé ou les infrastructures, qu’ils constatent que la route n’est qu’à moitié construite, ils voient qu’on prend ce qui en réalité leur appartient…Lorsqu’ils voient que, par exemple, quelqu’un qui s’est construit une belle maison avec l’argent qui était destiné à la route est tenu pour responsable de ses actes, ils se font leur jugement… Quand nous luttons contre la corruption, nous avons la population avec nous mais les élites, ceux qui ont accès à la BBC, à la Voix de l’Amérique, font beaucoup de bruit. Moi, je sais que les gens ordinaires sont satisfaits. Et je sais que dans les pays voisins aussi, les citoyens souhaitent la même chose…

Au lendemain des élections, on a le sentiment que l’espace de liberté se rétrécit, dans la presse, dans la vie publique…

C’est à l’homme de la rue qu’il faudrait poser cette question. Durant les dernières élections, la presse, des groupes d’opinion, nous ont critiqués. Quand je vois leur raisonnement, je ne peux croire qu’ils soient intelligents, ou bien intentionnés. Voyez les faits : lors des élections, les gens étaient littéralement euphoriques. Des centaines de milliers de personnes ont fêté le résultat. On voudrait faire croire que ces gens étaient forcés ? Mais comment pouvez vous obliger des centaines de milliers de personnes à montrer leur bonheur, à sourire, à faire la fête ? Comment pouvez vous contraindre 5,5 millions d’électeurs ? S’ils ne sont pas d’accord avec moi, ou s’ils veulent voter pour Victoire Ingabire, ils peuvent toujours voter blanc, griffonner sur leur bulletin, le détruire…… Il y a toujours moyen de s’exprimer…
Je reviens sur le cas Ingabire : avez-vous déjà vu un pays où quelqu’un arrive en disant qu’il veut être candidat à la présidence, alors qu’il faut tout de même une base, un processus…
Les gens voudraient peut-être que nous soyons un pauvre petit pays mendiant sa nourriture, que nous soyons comme une réserve où les étrangers viendraient pour nourrir les animaux, à condition que ces derniers disent merci…
Croyez moi, ce que nous faisons, c’est pour nous mêmes. Pas pour faire plaisir à qui que ce soit. Nous voulons être de fiers Rwandais, de fiers Africains, progressant autant que nous le pouvons, sans que d’autres viennent nous dicter…
Dans ce processus, nous savons que d’autres Africains souffrent aussi et que nous devons unir nos forces, le Rwanda n’est pas une île, nous devons partager cet esprit avec d’autres…
C’est cette aspiration à l’indépendance qui est la cause profonde de l’hostilité que nous suscitons. Tout le monde ne se réjouit pas des progrès d’un pays comme le nôtre…

Que vaut aux Belges de devoir attendre 21 jours pour obtenir un visa pour le Rwanda ? N’est ce pas discriminatoire à leur égard ?

Cette mesure découle de la manière dont les Belges eux-mêmes nous traitent. Nous avons souvent entendu les plaintes des gens qui doivent attendre durant des heures, sous le soleil ou la pluie, avant d’être reçus dans votre consulat à Kigali.
Il y a aussi beaucoup de cas de mauvais traitements à l’égard des Rwandais dans votre aéroport. Tout récemment, un groupe d’étudiants qui revenaient des Etats unis pour des vacances a transité par Bruxelles. Comme l’avion avait 24 heures de retard, tous les autres passagers furent autorisés à se rendre à l’hôtel, y compris des Ougandais. Seuls les Rwandais furent obligés de rester à l’aéroport, sans qu’il leur soit permis de sortir. C’est pourquoi nous avons répliqué. Avec le Canada nous avons connu le même problème, mais là c’était pire, ils devaient même indiquer sur leurs formulaires de demande de visa dire s’ils étaient Hutus et Tutsis.
Les Belges doivent attendre 21 jours pour recevoir un visa, mais pour les Rwandais qui veulent se rendre en Belgique, c’est plus long encore…

Source: Colette Braeckman, du 26 octobre 2010