Friday, April 22, 2011

RDC: DE LA FORCE PUBLIQUE AUX FARDC : ANATOMIE D’UNE ARMEE VIRTUELLE INTRAVERTIE ET PERVERTIE

IIème PARTIE.

3.3. MOBUTU : l’Unificateur de la RDC et le Bâtisseur de la nouvelle ANC.

La rébellion muleliste de 1963 et la suite viennent bousculer les structures militaires mises en place sans pour autant les déstructurer. Malgré les sécessions katangaise et kasaïenne, l'ANC va survivre après la réunification. Grâce à l'assistance des USA (la CIA), de l'OTAN, et particulièrement à la suite de l’intervention de l'armée belge pour assurer la sécurité de ses citoyens et plus généralement des expatriés européens, l'ANC parviendra à mettre fin à cette rébellion.

C’est le cas notamment en novembre 1964 à Stanleyville (Kisangani) occupée par les rebelles Simbas qui ont pris des centaines de ressortissants étrangers en otage. Stanleyville sera reprise au cours de l'opération aéroportée dénommée « Dragon rouge » menée par 320 bérets rouges du 1er régiment paracommando de l'armée belge après l'échec d'une tentative de négociation menée par le ministre belge des Affaires étrangères, Paul-Henri Spaak. Pour appuyer l'attaque des paracommandos, une colonne d’infanterie mobile composée des belges et des mercenaires étrangers avec nom de code « Ommegang » (du nom d'un cortège folklorique bruxellois), arrivée de la brousse par la route fera jonction, prenant la ville en tenaille. Notons que ce retour de l'ancienne puissance coloniale fut une violation flagrante de la souveraineté nationale, car étant intervenu sans l'accord du gouvernement congolais. Cette intervention unilatérale de l’armée belge sera stoppée sous le poids de la pression internationale. La population belge réservera un accueil enthousiaste aux paras à leur retour.

Un vaste mouvement de pacification et de développement va peut-être commencer. L'armée est encore crédible et bénéficiait du soutien populaire. Les militaires encadrés par les jeunes officiers formés dans des écoles militaires étrangères et par d'anciens gradés de la FP formés à l'image du colon croient à la nouvelle vocation d'«armée nationale». En effet, dès janvier 1963, l’ANC sera réorganisée et modernisée avec l'assistance de la Belgique et d'Israël. Par ailleurs, la formation des jeunes officiers congolais en Belgique, entamée dès la fin de la période coloniale, touche à sa fin. En juillet 1963, 380 officiers sont déjà rentrés de Belgique, 300 autres suivent encore des cours. En août de la même année, le Colonel Mobutu et 219 militaires congolais reçoivent une formation de parachutistes en Israël. Des instructeurs militaires arrivent au Congo ainsi que du matériel et des armes nouvelles provenant des USA.

Cette remarquable réorganisation de l'ANC, en même temps que la pacification et l’unification du pays, que l’honnêteté intellectuelle m’oblige de mettre sur le compte de MOBUTU, fait oublier les anciens clivages issus des deux sécessions. L'héritage vivant de l'ancienne FP, à savoir: la solidarité, l'esprit d'équipe, le brassage ethnique, soudera cette unité. Le recours obligatoire à une même langue militaire (le lingala), au recrutement national, à la rotation fréquente des officiers et soldats dans toutes les provinces et surtout au brassage ethnique dans les camps militaires seront des atouts importants pour consolider l'armée nationale. Et pourtant, 45 ans plus tard, les autorités politico-militaires au pouvoir aujourd’hui à Kinshasa se montreront incapables de réaliser le même exploit que Mobutu. Le cas de l’intégration (et non du brassage) du CNDP au sein des FARDC en constitue une illustration. En effet, cette milice qui a semé la terreur aux Kivu s’est vue être entièrement incorporée (et non brassée) en maintenant sa chaîne de commandement intacte. Or, les experts avisés estiment que le processus intégration militaire des unités de forces antérieurement ennemies est un processus particulièrement long, fastidieux et rigoureux, même s’il est bien encadré dans des conditions optimales. Mais « l’intégration » du CNDP dans les FARDC au début d’Umoja Wetu s’est fait très rapidement, avec très peu d’encadrement extérieur en plein milieu d’une opération militaire. Le résultat de l’intégration est que le CNDP est maintenant plus grand qu’avant, qu’il contrôle un effectif plus important dans un rayon géographique considérablement plus étendue que son secteur géographique avant son intégration. La chaîne de commandement du CNDP fonctionne comme un commandement parallèle et autonome des FARDC, conservant ses anciennes caches d’armes. De

plus, dans plusieurs territoires du Kivu, l’ancienne administration (parallèle) du CNDP reste en place, y compris les barrières lui permettant de prélever illégalement des taxes. Enfin, grâce aux opérations Umoja Wetu et Kimya 2, les unités CNDP ont gagné accès à, et contrôlent des endroits économiquement intéressants et des régions minières les plus lucratives de la RDC. Entre-temps, son chef Bosco Ntaganda, reste dans les faits et sur le terrain, le commandant en second des opérations anti-FDLR, tout en poursuivant de se livrer, en même temps et en toute impunité, au trafic illégal des matières premières dans cette région hyper-militarisée. Le même stratagème du noyautage des FARDC vient également d’être effectué récemment avec l’intégration (non le brassage) des FRF (Forces républicaines Fédéralistes)1. Nous y reviendrons plus loin lorsque nous aborderons le chapitre relatif aux FARDC. Une source experte, de retour d’une mission dans la zone d’action des FRF m’a fait part du climat de méfiance ressentie par les populations du Sud-Kivu, à la suite de ralliement de ce mouvement politico-militaire maffieux au président Kabila (Je ferme la parenthèse).

1 Le FRF est un groupe armé de Banyamulenge allié au CNDP et dirigé par Venant BISOGO, qui se livre au trafic d’or dans le Sud Kivu avec des connexions dans l’armée congolaise. Les analystes disent que le groupe rebelle FRF a été créé comme un mouvement politico-militaire anti-Rwandais financé par les tutsis congolais. Des combats intenses entre combattants FARDC de l’opération «Amani Leo» et les FRF du groupe Bisogo ont eu lieu à Bijombo du 1 er au 7 février 2010.

Nous avons particulièrement tenu à insister, en notre qualité d’observateur neutre sur cette réussite éclatante de MOBUTU et faire le parallélisme et la parenthèse avec la situation actuelle, dans la mesure où lorsque 45 ans après l’exploit réussi par MOBUTU, l’un de ses successeurs à la tête du pays, dans une situation quasi similaire, fera preuve d’incapacité criante par manque de vision et de volonté politiques (Cfr la citation du Général de Gaule en début de la 1ère partie de ce document).

Néanmoins, le succès inattendu engrangé par Mobutu, accéléra la montée en puissance de cet ex-sergent-major de la Force Publique, placé à la tête de l'armée par Patrice Lumumba. Il finira par monter un coup d’Etat le 24 novembre 1965, pour prendre définitivement le pouvoir qu’il exercera des mains de fer en instaurant un des régimes les plus kleptocrates, barbares et dictatoriaux de l’histoire du XXème Siècle qui se maintint jusqu'en 1997.



4. 1965-1971 : VERS LES FAZ ET LE DEBUT DE LEUR PERVERSION.



Après cinq années de turbulences politiques et de guerres civiles et rébellions, Mobutu profita de son statut de chef d’état-major général de l’ANC pour renforcer son pouvoir en RDC. En règle générale, les forces armées devraient se tenir à l’écart et ne devaient plus intervenir dans le champ politique. Mais en réalité, le plus gros problème était le recours abusif aux militaires et policiers par les responsables politiques et ethniques. Le 24 novembre 1965, le Colonel Mobutu prend le pouvoir par un Coup d'État militaire. Il neutralise tous les hommes politiques et décide d'instaurer un pouvoir fort. Il s'appuie sur l'Armée qu'il commande depuis 1960. C'est avec cette armée que le Colonel Mobutu, devenu président de la République du Congo, qu’il rebaptisera Zaïre, mettra sur pied un pouvoir fort à l'intérieur du pays et tentera d'étendre son influence en Afrique afin d'en devenir le leader incontesté. Son armée interviendra ainsi dans plusieurs conflits faisant la fierté du pouvoir à l'époque mais, à la longue, ses ingérences extérieures seront l'une des causes du démantèlement du régime et de la désintégration de l'Armée.

En mai 1968, une brigade des parachutistes ainsi que deux brigades composées chacune de trois bataillons furent formées, avec l’éventualité de croître vers une division.

Cette période vit également Mobutu commencer à mettre en place sa subtile stratégie d’élimination de ses concurrents directs. C’est le cas par exemple de la mise à l’écart du Général Mulamba, surnommé du temps des rébellions: « le Héros de Bukavu » car c’est lui qui reconquit la ville. En passe de devenir beaucoup trop populaire, il fut nommé ambassadeur au Japon. (Colette Braeckman, Le Dinosaure .p.82). A croire que « la ville de Bukavu ne porte pas chance à ses héros ». Notamment, lorsque nous nous rendons compte que 40 ans plus tard en 2004, le Général Félix Mbuza Mabe (de son vrai nom Nkoy Nkumu Embanze) surnommé à son tour « l’Homme de Bukavu », mettra en débandade les milices du colonel tutsi rwandais Jules Mutebusi. Tout comme Mulamba, Mbuza Mabe sera, sans

raison tactique ou stratégique militaire pertinente, éloigné de Bukavu contre le souhait de ses habitants et sera muté vers la Base de Kitona. Il mourra quelque temps après, abandonné à son triste sort, par sa hiérarchie militaire et politique. En effet, Le Général Léonard Mulamba Nyunyi wa Kadima que les historiens et ses propres soldats appelleront « le Héros de Bukavu » en raison de la victoire décisive qu’il a remportée sur les hordes mulelistes en juillet-août 1964. Cette victoire laissera une trace indélébile dans l’histoire de la RDC et elle marquera le début du retournement de la situation sur le plan militaire. (Le potentiel, 12 août 2009). Le QG supplia le Général Mulamba (Premier ministre) en raison de son aura et de sa popularité parmi les soldats pour qu’il se rende à Kisangani afin de négocier la fin de la mutinerie. Sa visite du 27 juillet 1966 permit de calmer la situation et de ramener le corps de son regretté frère d’armes Damien Tshatshi à Kinshasa. Ce fut avec une grande surprise qu’il fut soudain accusé de complicité et de trahison à son retour par les mêmes personnes qui étaient restées dans des bureaux climatisés à Kinshasa alors qu’il risquait sa vie à Kisangani. Sa popularité débordante chez les soldats et sa réputation d’homme valeureux, courageux, loyal et intègre inquiétaient déjà la haute hiérarchie militaire et politique de l’époque.



5. LES FAZ: 1971–1997: Une armée décapitée par son propre bâtisseur



Dans le cadre de l’implémentation de la politique d’authenticité, La RDC fut baptisée Zaire en 1971, ainsi l’ANC prit par conséquent la dénomination des ''Forces Armées Zaïroises'' (FAZ) et ouvrit la porte à toutes sortes d’intraversions, perversions, voire subversions inimaginables dans l’histoire des armées des temps modernes: politisation, tribalisation, affairisation, complots, assassinats, pillages, injustices… au sein des FAZ.

En 1971, les forces armées se composaient de :

1er Groupement basé à Kananga, avec un bataillon de garde, deux bataillons d'infanterie et un bataillon de la gendarmerie attachée ;

2ème Groupement (Kinshasa),

3ème Groupement (Kisangani),

4ème Groupement (Lubumbashi)

5ème Groupement (Bukavu),

6ème Groupement (Mbandaka)

7ème Groupement (Boma) et

Une division de parachutistes fonctionnant de façon semi-autonome du reste de l’armée.

Chaque Groupement a été conçu à la taille d’une brigade et commandée par des « généraux vieillissants » qui pour la plupart, n’avaient reçu aucune formation militaire ; et pour la plupart, n’avait aucune expérience militaire positive ou valorisante car étant tous des sous-officiers ou soldats subalternes dans la Force publique où le corps des officiers était exclusivement belge.



5.1. LES DEUX GUERRES DU SHABA et la brillante révélation des jeunes officiers zaïrois.



Entre 1975–76, Mobutu envoya des troupes des FAZ intervenir dans la guerre civile qui sévissait en Angola, en soutien au Front National pour la Libération d’Angola (FNLA) et à l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (U.N.I.T.A.) dirigée par Jonas Savimbi, qui se battaient contre les forces marxistes du Mouvement Populaire pour la Libération d’Angola (MPLA), dirigé par le Dr. et Président Agostinho NETO.

Le retour du feu de cette politique interventionniste de Mobutu, soutenu par la CIA, provoqua la création d’un mouvement insurrectionnel, Le «Front pour la Libération Nationale du Congo» (FNLC), dirigé par Nathanaël Mbumba. Ce mouvement était composé principalement des combattants zaïrois dénommés Tigres ou gendarmes Katangais, qui se sont exilés en Angola après l’échec de la Sécession Katangaise et l’assassinat de Moïse Tshombé. Les Gendarmes Katangais, soutenus par les combattants du MPLA et leurs conseillers Cubains, attaquèrent la région du Shaba (Katanga) et occupèrent le Sud de cette Région en Mars 1977, suite à une faible résistance des FAZ. Ils occupèrent facilement Kasaji le 13 mars et Mutshatsha le 25 mars 1977. D'autres localités comme Kayembe, Kisenge, Kapanga, Dilolo, Musumba, Sandoa, tombèrent également aux mains de la rébellion. 4

Cette invasion connue sous le nom de SHABA I ou la Guerre de 80 jours permit de constater la fragilité des FAZ, mais paradoxalement de découvrir les qualités militaires et combattantes de certains vaillants militaires des FAZ, parmi lesquels (la liste n’étant pas exhaustive) :

 Un jeune officier, de son nom Antoine IKUKU Moboto (surnommé « Serpent de rail »)2 se révéla un fin stratège dans cette campagne du Shaba. Il méritait ce surnom pour avoir ordonné à ses troupes de suivre le chemin de fer afin d’éviter les pistes et les routes minées par l’adversaire. Le Général Ikuku était un des premiers chefs de compagnie parachutiste de l’Armée Nationale Congolaise. Il avait été entre autres commandant du Centre d’entraînement des parachutistes (CEKI) à Kitona où il sera remplacé en Avril 1964 par le Colonel Tshatshi. Il se distinguera au cours de la Guerre de 80 jours (aux cotés des officiers Bilolo, Shabani, Tshibangu et autres Mukobo) en progressant avec ses troupes le long du rail pour éviter les mines placées sur son chemin.



2 Elevé plus tard au grade de général, Ikuku mourut, liquidé dans un accident d’un hélicoptère saboté à Kasaji (Shaba-Katanga). Entré en conflit avec le général ELUKI pour une question d’opposition à la conception tactique défendue par ce dernier. Il échappera à la justice militaire grâce à sa progression dans la reprise du terrain à l'ennemi et à sa bravoure. En effet, sa bonne conception tactique lui a valu le nom de Serpent de Rail et a permis aux FAZ de mettre en déroute les troupes ennemies de Nathanaël MBUMBA. Il exigera le renfort aérien pour compléter son plan afin de poursuivre l'ennemi jusque dans son dernier retranchement. Mais avec un hélicoptère dont on pense être saboté et mis à sa disposition par le Général KIKUNDA, il ne puit contrôler comme il se devait les opérations. Un accident est vite arrivé et mit fin à ses jours (Actes du CNS-1992). D’autres jeunes officiers qui s’étaient illustrés dans cette guerre connurent aussi de mystérieuses morts tragiques.

3 Avion de chasse militaire multirôle capable aussi bien de missions de reconnaissance que de chasse et/ou d’interception, suivant les versions. Le contrat concernait la vente de 14 exemplaires de Mirage 5 M et de 3 exemplaires de Mirage 5 DM : version biplace d'entraînement.

4 Diplômé de l’ERM en Belgique comme Ingénieur civil en Mécanique-Transport, il rentrera en 1974 au Zaïre pour y évluer comme officier ingénieur d’aviation à la FAZA (Force Aérienne Zaïrois). Sa carrière militaire, au service de la République de Mobutu, s’est brutalement brisée après 1976 lorsqu’il fera partie des techniciens militaires recrutés pour parfaire leurs connaissances et expertise et développer un nouveau programme aéronautique militaire « MIRAGE II » chez l’aviateur DASSAULT. Le sort réservé à ses frères d’armes de formation à l’ERM en 1978 le poussera à l’exil en France, puis en Belgique ; une réaction de profond désaccord avec le comportement criminel de sa hiérarchie militaire et politique envers la future élite militaire du pays.

5 Blessé au combat, il sera un temps laissé à l’abandon, sous soins élémentaires, dans un dispensaire de la Gécamines à Kolwezi.

6 Le général Donatien Mahele Lieko Bokungu. Ce dernier est un vétéran de toutes les guerres de la région, depuis Kolwezi, qu’il reprit aux côtés des Français en 1978 jusqu’à la guerre du Rwanda où il fut envoyé en première ligne contre le Front

 Le commandant d’aviation Léon MBO Izamapango. C’est en 1968 que le Commandant Léon est arrivé en Italie pour y suivre une formation comme pilote de chasse sur avion Macchis « connu sous le sobriquet de «SUKISA». Par la suite et dans le cadre des accords de coopération technique militaire Franco-Zaïroise, signés à Kinshasa, le 22 mai 1974 et ayant permis au groupe aéronautique Dassault de vendre au Zaïre 17 avions Mirage 53. Le Zaïre enverra un groupe de jeunes officiers, dont le major Ir Leopold Tita4, avec qui je passe des moments d’échanges pour approfondir nos réflexions et analyses sur les forces armées, notamment dans le cadre du BES (Bureau d’Etudes Stratégiques, dont certaines productions ont été mises à la disposition des négociateurs lors des accords de Sun City en 2002) ; et Léon Mbo, à l’Ecole militaire de pilotage et de perfectionnement du programme Mirage. Au terme de cette formation en 1976, MBO décrochera son permis de pilote pour le Mirage 5 M. Il a participé aux 2 guerres du SHABA et fut très apprécié pour sa dextérité, ses exploits et ses acrobaties dans le maniement de cet avion, d’heureuse mémoire dans l’histoire de nos forces armées.

 Le général DIKUTA Ebilasang5 (alors Colonel et Commandant de la 2ème Région militaire à Lubumbashi et commandant du secteur opérationnel Lomami). Il se distingua suite à la débâcle des FAZ et du conflit de leadership naissant au sein du commandement des opérations que la haute hiérarchie se verra dans l'obligation de mettre les troupes sous les ordres du Général SINGA, secondé par le colonel DIKUTA dans l'axe Kamina-Sandoa. Cela permit aux FAZ de récupérer quelques territoires occupés par les tigres de Nathaël MBUMBA. (Actes du CNS – 1992).



 Le général Donatien MAHELE Lieku6 tirera plus tard le fameux surnom de « Tigre » pour s’être particulièrement distingué lors de cette opération. 5

patriotique en 1990. Sa bravoure mais aussi sa dureté (sa répression des pillages et des mutineries de 1993 fut extrêmement violente) font de lui un militaire craint et respecté, qui a toujours proclamé sa fidélité absolue au président Mobutu, mais aussi son souci de respecter les institutions du pays. N’appartenant pas à la même ethnie, quoique originaire lui aussi de la province de l’Equateur, il était en mauvais terme avec les généraux Nzimbi et Baramoto, parents du président Mobutu. Assisté par des conseillers militaire français, le général Mahele s’est employé à rendre à nouveau opérationnelle les FAZ en 1997, en s’efforçant surtout de récolter des soutiens concrets : des armes, des munitions, des avions, et des mercenaires. Venus de France, de Belgique, de Serbie, mais aussi d’Afrique du Sud - malgré ses dénégations, la société Executive Outcomes a fourni des anciens membres des forces spéciales sud-africaines -, plusieurs centaines de " soldats de fortune " ont déclenché une contre-offensive que le gouvernement de Kengo a promis" foudroyante. Il mourut abattu à bout portant au Camp Tshatshi le 17 mai 1997, par les soldats de la DSP, qui le prenaient pour traitre à la solde des rwandais.

7 Officier très Brillant et dynamique, compétent, intelligent, loyal et passionné de son métier, il sera nommé Chef d’Etat-major de la Force terrestre en 1985. Son savoir-faire, son savoir-être et son esprit d’initiative (qualité généralement requise aux officiers) ont fait qu’il était particulièrement apprécié par ses subalternes et tous les soldats placés sous son commandement. Paradoxalement, il sera le « mal aimé » du Régime de Mobutu. Originaire de Bandundu et occupant une fonction stratégique de chef d’état-major de la force terrestre au sein des FAZ, cela lui valut la jalousie tribalo-militaire de ses homologues originaires de l’Equateur. Ce groupe d’officiers, n’appréciant pas son zèle et son dévouement pour les FAZ et pour le neutraliser, lui attribuèrent en juillet 1987 une fausse « tentative de Coup d’Etat » à la suite de la découverte d’armes (don de la Belgique, suite à une mission officielle de travail effectuée dans ce pays). Il sera relégué à l’intérieur du pays. Notons que le général Dieudonné KAYEMBE, prédécesseur de l’actuel chef d’Etat-major Didier ETUMBA, connaitra également le même sort dans cette affaire montée de toutes pièces. Il sera libéré et réhabilité en 1991 et il faut le reconnaître, grâce au général Philémon Kpama BARAMOTO qui prit le courage de présenter au « Maréchal », une fiche contenant de faux documents rédigés par le SARM (Service d’Action et de Renseignement Militaire).

Le général Mahele dit le TIGRE



 Le général Paul MUKOBO Mundende7: cet officier général des FAZ est rangé par ses pairs d’armes parmi les rares meilleurs officiers-généraux, si pas le meilleur, que la RDC n’a jamais connu. Il est un des premiers africains avec entre autres le colonel OMBA Pene Djunga, les





généraux ELUKI, IPOMA, ILELA, VUADI… qui ont été admis à la prestigieuse académie militaire belge ERM. Il a connu une riche carrière militaire en dents de scie et semée d’embûches sous le règne de Mobutu, l’ayant conduit à de nombreuses relégations, victime de la tribalisation des FAZ. Commandant de la division KAMANYOLA avec le grade de général de brigade de 1982 à 1984. Lors de l'éclatement de la deuxième guerre de MOBA en 1984, appelée MOBA II, il fut désigné commandant des opérations au cours desquelles ses troupes portèrent un coup fatal aux éléments armés de LD Kabila. Il devint ensuite commandant de la Ière Région Militaire (Katanga) puis chef d'état-major de la force terrestre de 1985 à 1987. Chef d'état-major adjoint chargé de la logistique des Forces armées zaïroises (FAZ), avec le grade de général de division, il est promu, en 1993, général de corps d'armée. Peu après avoir été quasi le seul, aux côtés du général Mahele à rétablir l’ordre et l’encasernement des militaires, après la vague des pillages de 1991 et de 1993. Commandant de la 7ème Région militaire à Mbandaka et gouverneur de la province de l'Équateur en 1997, la seule à ne pas être tombée entre les mains des troupes de l’AFDL avant la prise de Kinshasa, le 17 mai 1997. Ce qui servit de zone de retranchement à Mobutu avant son exil pour le Maroc, puis de terrain propice pour le MLC. Personnellement, c’est le type d’homme encore capable de permettre à la RDC de réussir une profonde et efficiente réforme des Services de Sécurité ; si on veut un jour croire en l’avènement d’une armée réélement Nationale et républicaine en RDC.



 Le major TSHIBANGU, comme son aîné Mukobo, il fut aussi un ancien de l’Ecole Royale Militaire belge et ancien commandant du centre de formation des commandos de KOTAKOLI. Il se fit remarquer par ses démonstrations périlleuses devant les chefs d’Etat étrangers, hôtes de Mobutu, mais aussi par sa bravoure à Kasaji durant la 1ère Guerre de Shaba. Originaire du Kasaï et pressenti pour assurer le commandement du régiment paracommando de Binza (ancêtre de la DSP), il trouva tragiquement la mort en août 1977, à quelques mètres du Mont-Ngaliema dans des circonstances troublantes. Aux dires de certains témoins, un gros camion militaire non immatriculé, posté à la sortie du camp militaire, s’est mis en marche au moment où il arrivait et a percuté sa voiture de plein fouet, avant de disparaîre aussitôt sans laisser de trace (Citoyen Président Mobutu Sese Seko, par Buana Kabue). Un témoin attribuerait cette forfaiture au colonel ELUKI Monga Aundu.



Mobutu viendra à bout de cette rébellion en mai 1977 à la faveur de l’opération VERVEINE montée par le Maroc avec le concours de la France, qui repoussa les Tigres Katangais hors des frontières du Shaba.

Une année après, soit en mai 1978, les ex-gendarmes Katangais du FLNC revinrent à la charge. Cette fois-ci, ils n'attaquèrent plus à partir de l'Angola, mais par la Zambie et occupèrent la ville de Kolwezi, poumon économique du Zaïre, où demeurent de très nombreux Occidentaux (SHABA II). Le régime zaïrois reprendra cependant rapidement le contrôle grâce aux interventions militaires montées par la France et par la Belgique pour protéger leurs expatriés. En effet le 19 mai 1978, la France, avec l’appui technique de la Belgique, mirent au point en faveur du régime de Mobutu une Opération militaire baptisée « LEOPARD » ou « BONITE ». Cette opération vit les paras du 2e REP de la Légion étrangère sauter sur Kolwezi. Les bérets verts du 2e Régiment étranger de parachutistes et un bataillon du régiment de commandos belges parvinrent à libérer des expatriés pris en otages par des rebelles katangais du FLNC qui assiégèrent la ville minière de Kolwezi. Les alliés de Mobutu aidèrent l'Armée zaïroise à bouter les agresseurs hors du territoire national.

Si l’opération "Léopard" rétablit la sécurité au Zaïre, il faut plusieurs années pour que la région du Shaba, et particulièrement Kolwezi, retrouve une activité économique équivalente à celle d’avant la crise de 1978. Une situation qui affecta gravement l’économie du pays dont l’essentiel du budget (environ 60%) provenait de la riche exploitation minière de cette province. Ces deux agressions du FNLA, il faut le reconnaître, portèrent un coup dur au régime Mobutu. Elles provoquèrent une crise politique et une prise de conscience qui débouchèrent sur le doute concernant « l'idéologie mobutiste », les institutions politiques et l'Armée. Les mouvements de contestation d'ordre politique commencèrent à naître, y compris avec l'appui de l'Occident échaudé.

Notons enfin que 6 ans après la deuxième guerre du Shaba, un autre groupe de rebelles s'emparèrent de Moba, ville située sur les rives du Lac Tanganyika. Avec l'assistance des parachutistes français, les

forces armées zaïroises réduirent ce coup de force. Au mois de juillet 1985, les rebelles du Parti révolutionnaire populaire de Laurent-Désiré Kabila attaquèrent de nouveau Moba. Ils furent vite maîtrisés. (Pompon MOMAT KABULO, Président de la Ligue pour la Démocratie et la Bonne Gouvernance)



5.2 L’AFFAIRISATION, LA POLITISATION ET LA TRIBALISATION DES FAZ.



Malheureusement le Président Mobutu et certains chefs militaires ne vont pas tirer une leçon des deux Guerres du SHABA. Ils continuèrent à soutenir la rébellion angolaise de l'UNITA. Le Président Mobutu jouant son rôle de gendarme régional et les chefs militaires étant attisés par l'esprit de lucre. Ce rôle de « parrain » régional est encouragé par les Américains, qui utilisent la base de Kamina, au Shaba (ex-Katanga), pour approvisionner l’Unita du chef rebelle angolais Jonas Savimbi. Une aubaine pour un groupe des généraux que Mobutu qualifiait lui-même de « Mes Généraux- affairistes ou commerçants ». Il n'est un secret pour personne que certains chefs militaires, en l'occurrence le Général Nzimbi, le Général Bolozi et le Capitaine Kongulu, le fils du Président Mobutu et les autorités civiles, notamment Mr Ngbanda-Nzambo Ko-Atumba avaient mis sur pied un vaste réseau de vente d'armes en Angola payés par le trafic du diamant provenant du fief de Savimbi. Les avions gérés par le Capitaine Kongulu sous forme de leasing assuraient le transport de ces armes vers l'Angola dans le fief de Savimbi. Le Zaïre achetait également des armes, munitions et véhicules pour le compte de l'UNITA qu'il couvrait avec comme « attestations de destinations finales », les FAZ. Ceci explique en partie le surarmement supposé de la DSP. Il était donc difficile pour eux de favoriser une décision d'intérêt national sincère dans les relations politiques entre les deux gouvernements de Luanda et de Kinshasa

Sur les marches du palais de Gbadolite

Entre-temps, l’Ordonnance-loi nr 77-012 du 1er juillet 1977 sur l'organisation des forces de la défense consacrera et renforera la politisation des FAZ qui se placeront sous l’autorité du président du MPR et du président de la République (Nadia, Nsayi, Een partnerschap in het teken van veiligheid. De rol van belgië en de Europese Unie in de hervorming van de veilgheid sector in de D.R. Congo, Masterproef, Politique internationale comparée, K.U. Leuven, 2007-2008).

Pour s’assurer d’un contrôle permanent sur les militaires, un « Corps des éducateurs politiques» fut créé au sein des FAZ. Cet organe, dirigé par un haut cadre civil de la JMPR, Monsieur MATUMBU Moonga Ya Nzawi, qui fut nommé au grade de Colonel et, plus tard, élevé au grade de Général de Brigade, avait pour mission d’inculquer aux militaires l’idéologie politique du Parti-Unique et d’instaurer le culte de la personnalité du Président du MPR. (Cornelis Nlandu-Tsasa, La rumeur au Zaïre 8

de Mobutu : radio-trottoir à Kinshasa, 1997). Un anonyme raconte dans médiacongo.net : « L’autre objectif caché de ce Corps était de mettre au pas les militaires à une obéissance aveugle aux idées et aux enseignements du « Guide ». Les militaires étaient d'ailleurs obligés de scander quelques chansons révolutionnaires chaque matin et de jurer dans leur serment qu'ils verseront leur sang pour le « Guide ». Les militaires qui n'assimilaient pas ces enseignements et ne les mettaient pas en pratique étaient traités de « cadres douteux », tièdes, ayant un pied dedans, un pied dehors. Un rapport du Général Matumbu dans ce sens suffisait pour casser la carrière d'un officier, si brillant soit-il. Toutes ces actions consistaient à briser la conscience des militaires; à les détourner de leur mission, celle d'être au service de la Nation et, enfin, à les soumettre à un seul homme: Mobutu. Un traumatisme et un immobilisme frappèrent donc l'Armée de plein fouet. (Illustration frappante du processus d’intraversion). Nombre de militaires choisirent de vivre désormais dans le silence et la résignation. »



La faible performance des FAZ durant SHABA I et II montra l’évidence de la fragilité chronique (persistante jusqu’à ce jour) de l’armée zaïroise. A cela s’ajoute le fait que la plupart des soldats des FAZ ne percevaient pas leurs soldes régulièrement et les fréquents détournements du matériel par les officiers supérieurs et généraux. Une mentalité qui a survécu à Mobutu, se métastasant davantage aujourd’hui au sein des FARDC. Cela entraîna de nombreuses désertions de fait des soldats mais aussi le racket des populations civiles par les hommes en uniformes. C’est particulièrement durant cette période que l’expression « Civil azali monguna ya soda » «Le civil est l’ennemi du soldat » prendra tout son sens. Une perversion de plus, si pas une introversion, sinon une subversion du rôle de l’armée et de la police ; censées défendre le pays et sa population contre une agression externe et assurer la sécurité intérieure.

Les événements de SHABA poussèrent Mobutu à implémenter de douces reformes des FAZ et de leur commandement. Il intégra l’Etat-Major des FAZ au sein de son Cabinet présidentiel et s’octroie le titre du Chef d’Etat-Major général des FAZ, tout en accumulant à la fois les fonctions du Ministre de la défense et du Commandant suprême des FAZ. Une perversion fondamentale du fait du rejet du sacro-saint principe ou théorie du « contrôle civil de l’armée ». Du coup, les règles d’organisation et de fonctionnement de l’armée changèrent durant le long règne de Mobutu. A cela s‘ajoutent la création d’autres structures para-militaires : mi militaires mi policières, notamment la fameuse « Garde Civile », les CADER (Corps des Activistes pour la Défense de la Révolution : une milice armée), le SARM et les unités d’élite telles la BSP, puis la DSP ainsi que le bataillon KAMANYOLA. Pour mettre en place cela, il bénéficiera comme d’habitude du soutien des conseillers techniques militaires belges, français et américains.

Paradoxalement et il faut le reconnaître puisque nous en sommes un témoignage, Mobutu va tout de même mettre cette période en profit pour envoyer des jeunes zaïrois suivre des formations militaires au sein des plus prestigieuses académies militaires occidentales comme West-Point (USA), Sandhurst (GB), ERM (Belgique, pays où l’auteur du présent document a été formé), Saint-Cyr (France)… D’autres militaires déjà gradés y seront également envoyés pour parfaire leurs connaissances et décrocher des titres des BEM (Breveté d’Etat-Major), BAM (Breveté d’Administration Militaire), TEM (Technicien d’Etat Major, principalement dans le domaine de Transmissions militaires et de Génie), Médecins Militaires... En même temps, l’Ecole de Formation des Officiers de Kananga (EFO) sera créée, grâce au concours des instructeurs belges. D’autres éléments de la garde civile iront suivre des formations en Egypte et en Allemagne. Tandis que les éléments de la DSP seront tour à tour formés par les Israéliens, les belges à Kotakoli, voire les chinois…Les français s’investiront particulièrement dans le training et l’encadrement des unités parachutistes redoutables du camp CETA (Centre d’Entraînement des Troupes Aéroportées), basé à proximité de l’aéroport de Ndjili. Les troupes à la tête desquelles un certain Donatien MAHELE Lieku, remporteront quelques succès au Tchad et au Rwanda, où ils repousseront les éléments du FPR et parviendront à mettre fin aux pillages provoqués par des militaires en 1991 et 1993 à Kinshasa.



Author: Jean-Jacques WONDO OMANYUNDU

Analyste politique freelance.


Source: Libre antenne, du 22/04/2011

No comments:

Post a Comment